Le 27 mai 2011 Décision : CEPMB-08-D3-ratio-Salbutamol HFA - sur le fond

DANS L'AFFAIRE DE LA Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), c. P-4, dans sa version modifiée ET DANS L'AFFAIRE DE ratiopharm Inc., (l'« intimée ») et de son médicament « ratio-Salbutamol HFA »

DÉCISION

Introduction

1. Ces motifs se rapportent à une décision prise par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (« le Conseil ») à la suite d'une audience sur la question de savoir si ratiopharm Inc. (« ratiopharm »), en vertu des articles 83 et 85 de la Loi sur les brevets (la « Loi »), vend ou a vendu son médicament breveté ratio-Salbutamol HFA (« ratio HFA ») sur un marché canadien à un prix que le Conseil juge excessif, et, s'il y a lieu, de rendre une ordonnance (« l'affaire »).

Le médicament

2. Le médicament ratio HFA est une version générique autorisée du médicament fabriqué, commercialisé et vendu au Canada par GlaxoSmithKline Inc. (« GSK ») sous le nom de marque Ventolin HFA. Le Ventolin HFA et le ratio HFA sont indiqués pour soulager l'asthme, la bronchite chronique et les symptômes associés. Essentiellement, le ratio HFA est doté de la même composition chimique, de la même concentration, de la même forme posologique et du même mode d'administration que le médicament Ventolin HFA. Seuls l'étiquette, l'emballage et la monographie du produit sont différents. Le Ventolin HFA et le ratio HFA sont des bronchodilatateurs par lesquels environ 200 doses de l'ingrédient actif sulfate de salbutamol sont administrées à l'aide d'une bouteille pressurisée connue sous le nom d'aérosol-doseur par doses de 100 microgrammes.

3. Les médicaments Ventolin HFA et ratio HFA sont fabriqués, emballés et étiquetés par GSK. Le médicament ratio HFA était vendu par GSK à ratiopharm, une société sans lien de dépendance, sous un emballage et une étiquette définitifs, afin d'être vendu au Canada par ratiopharm de la deuxième moitié de 2002 à la fin de 2009 conformément à une série d'ententes de production sous licence et de vente (les « ententes ») entre GSK et ratiopharm. Les ententes n'ont pas été renouvelées à la suite de leur expiration à la fin de 2009, et ratiopharm n'a plus vendu le ratio HFA au Canada à partir de la fin de janvier 2010.

L'affaire

4. L'affaire entendue par un panel du Conseil (le « Panel ») a été engagée le 18 juillet 2008 au moyen de l'émission d'un Avis d'audience par le président du Conseil, après que celui-ci a examiné un Énoncé des allégations préparé le 8 juillet 2008 par le personnel du Conseil, alléguant que ratiopharm vendait et avait vendu le ratio HFA au Canada à des prix excessifs, contrevenant ainsi aux articles 83 et 85 de la Loi.

5. Avant l'audience du personnel du Conseil et de ratiopharm (collectivement, les « parties ») concernant le fond de l'affaire, le Panel avait entendu les observations des parties lors de la conférence préparatoire du 27 octobre 2008 sur les questions préliminaires. Le Panel a aussi entendu les observations des parties et de GSK les 8, 9 et 10 juillet 2010, lorsque le personnel du Conseil a présenté deux requêtes préliminaires (les « requêtes préliminaires »), ainsi que le 2 novembre 2009 au cours d'une séance préparatoire supplémentaire.

6. Dans la première requête préliminaire, le personnel du Conseil demandait au Panel de rendre une ordonnance visant à ajouter GSK à titre de partie à l'affaire, à demander à GSK de présenter au Conseil un rapport sur le prix auquel il a vendu ou vend le ratio HFA à ratiopharm, et à fournir au Conseil certains renseignements sur les ventes du ratio HFA à ratiopharm depuis 2001.

7. Dans la deuxième requête préliminaire, le personnel du Conseil demandait au Panel de rendre une ordonnance visant à obliger ratiopharm à autoriser Welch LLP (« Welch »), un cabinet d'experts-comptables et d'experts-conseils, à inspecter les registres comptables et les comptes de ratiopharm relativement aux achats et aux ventes du ratio HFA, et visant à fournir au Conseil certains renseignements et documents concernant de tels achats et de telles ventes.

8. Le 14 août 2009, le Panel a rejeté la requête visant à ajouter GSK à titre de partie à l'affaire, mais a délivré une assignation à GSK, exigeant de celui-ci qu´il produise au Conseil les renseignements relatifs à toutes les ventes du ratio HFA à ratiopharm depuis 2001, y compris les quantités et les prix facturés sur de telles ventes.

9. En ce qui concerne la deuxième requête préliminaire, le 14 août 2009, le Panel a rendu ce qui suit : (i) une ordonnance obligeant ratiopharm de fournir certains renseignements et documents au Conseil; et (ii) une ordonnance d'examen (l'« ordonnance d'examen ») autorisant Welch, au nom du personnel du Conseil, à effectuer un examen sur place des bureaux de ratiopharm, ainsi qu'une vérification des opérations de ratiopharm relativement aux ventes et aux achats du ratio HFA au Canada pendant certaines périodes d'échantillon. L'ordonnance d'examen obligeait ratiopharm à autoriser Welch à accéder à l'ensemble des registres comptables, des documents, des comptes et des autres types de registres nécessaires à la vérification des montants demandés par ratiopharm relativement aux avantages accordés et aux autres coûts associés à la vente du ratio HFA dans les périodes d'échantillon, et de prendre toutes les mesures raisonnables pour indiquer à Welch tout document, registre ou renseignement à partir duquel Welch pourrait déterminer les avantages accordés et les autres coûts engagés par ratiopharm relativement à ses ventes du ratio HFA dans les périodes d'échantillon. Au moment de rendre l'ordonnance d'examen, le Panel s'est en partie fié au témoignage sous serment de Mme Shari Saracino, vice-présidente des ventes et du marketing de ratiopharm, selon lequel ratiopharm fait le suivi des avantages et des coûts associés à la vente des produits, y compris les rabais connexes, et consigne ces derniers par produit et par client.

10. Les 25 et 26 janvier 2010, et du 12 au l5 avril 2010, le Panel a entendu la preuve et les arguments des parties sur le fond de l'affaire. Le 30 avril 2010 et le 14 mai 2010, respectivement, les parties ont présenté, sous forme écrite, longue et détaillée, leurs derniers arguments et leurs dernières réponses.

Les questions en litige

11. D'après les mémoires présentés par les parties et l'examen des registres qu'a fait le Panel, ce dernier a précisé les questions à déterminer suivantes :

I. la question de savoir si les articles 79 à 103 de la Loi sont constitutionnels;

II. la question de savoir si ratiopharm est un breveté, en vertu des articles 79 à 85 de la Loi, relativement aux ventes du ratio HFA sur un marché canadien entre 2002 et 2010;

III. la question de savoir si ratiopharm, dans la mesure où il est un breveté, vend ou a vendu le ratio HFA sur un marché canadien à un prix excessif, contrevenant ainsi aux articles 83 et 85 de la Loi;

IV. la question de savoir si, au moment de déterminer le prix auquel ratiopharm vend ou a vendu le ratio HFA sur un marché canadien, le Panel peut tenir compte de tout rabais ou de tout escompte accordé par ratiopharm sur de telles ventes et faisant l'objet d'un rapport au Conseil conformément à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (le « Règlement »);

V. quelle est, s'il y a lieu, l'ordonnance que devrait rendre le Panel concernant les ventes du ratio HFA par ratiopharm au Canada.

Discussion et décisions

I. La question de savoir si les articles 79 à 103 de la Loi sont constitutionnels

a. L'argument

12. ratiopharm soumet que les articles 79 à 103 de la Loi, qui établissent le Conseil et lui octroient certains pouvoirs relativement à la fixation de prix excessifs pour les médicaments brevetés, ne sont appuyés par aucun chef de compétence fédérale dans la Loi constitutionnelle de 1867 (la « Constitution ») et outrepassent les pouvoirs du Parlement. Plus précisément, ratiopharm soutient que le mandat du Conseil en vertu de la Loi consiste strictement en une pure réglementation des prix, une question qui relève de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils, conformément au paragraphe 92(13), et non de la compétence fédérale sur les brevets d'invention et de découverte, conformément au paragraphe 91(22).
b. Conclusion

13. Le mandat et le but du Conseil selon la Loi consistent à vérifier les prix des médicaments brevetés afin de s'assurer que les prix qui sont facturés par les sociétés pharmaceutiques pour de tels médicaments ne sont pas excessifs, et à protéger les consommateurs canadiens contre la fixation de prix excessifs pour de tels médicaments. Le Panel est convaincu que la jurisprudence confirme que ce mandat et ce but sont conformes au paragraphe 91(22) de la Constitution : voir, par exemple, ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Canada (Personnel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), [1997] 1 C.F. 32 (« ICN »), qui approuve Manitoba Society of Seniors Inc. v. Canada (Attorney General) 1991), 77 D.L.R. (4 th) 485 (B.R. Man.); conf. dans (1992), 96 D.L.R. (4 th) 606 (C.A. Man.) (« Manitoba Seniors »). Dans Manitoba Seniors, la Cour d'appel du Manitoba a confirmé la décision du juge Dureault de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba selon laquelle le fait que les articles de la Loi peuvent avoir un effet sur des questions qui relèvent de la compétence provinciale, à savoir la propriété et les droits civils dans ce cas ci, n'a aucune conséquence.

14. Dans Teva Neuroscience G.P- S.E.N.C. c. Canada (Procureur général) 2009 CF 1155, le juge Hughes de la Cour fédérale note ce qui suit au paragraphe 71 :

71. La compétence constitutionnelle du Conseil n'a pas été examinée par les tribunaux depuis la décision rendue au Manitoba. Je tiens toutefois à signaler que feu le juge Cullen, de notre Cour, a cité intégralement le passage de la décision dans laquelle le juge Dureault passe en revue l'historique de la Loi sur les brevets et du Conseil dans le jugement ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés) (1996), 66 C.P.R. (3 rd) 46.

II. La question de savoir si ratiopharm est un breveté, en vertu des articles 79 à 85 de la Loi, relativement aux ventes du ratio HFA sur un marché canadien entre 2002 et 2010.

a. Les dispositions législatives pertinentes

15. Aux fins des articles 80 à 103 de la Loi, un breveté est défini comme suit au paragraphe 79(1) :

79.(1) « breveté » ou « titulaire d´un brevet » La personne ayant pour le moment droit à l'avantage d'un brevet pour une invention liée à un médicament, ainsi que quiconque était titulaire d'un brevet pour une telle invention ou exerce ou a exercé les droits d'un titulaire dans un cadre autre qu'une licence prorogée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.

16. Le paragraphe 79(2) de la Loi stipule qu'aux fins du paragraphe (1) et des articles 80 à 103, « une invention est liée à un médicament si elle est destinée à des médicaments ou à la préparation ou la production de médicaments, ou susceptible d'être utilisée à de telles fins ».

17. En vertu des articles 80 et 81 de la Loi, le titulaire ou l'ancien titulaire d'un brevet pharmaceutique est tenu, conformément au Règlement ou à une ordonnance du Conseil, de fournir au Conseil certains renseignements et documents sur le médicament, y compris le prix auquel le médicament est vendu ou a été vendu sur un marché canadien.

18. Les pouvoirs qui permettent au Conseil de conclure que des prix sont excessifs en vertu de l'article 83 de la Loi visent également les titulaires de brevets pour des inventions liées à des médicaments.

19. Lors de son examen des dispositions relatives à la compétence du Conseil en vertu de la Loi dans le jugement ICN, la Cour d'appel fédérale, au paragraphe 47, a établi trois conditions préalables à la compétence du Conseil suivant l'article 83 de la Loi : (i) la partie dans l'affaire doit être le breveté pour une invention; (ii) l'invention du breveté doit être liée à un médicament; et (iii) le breveté doit vendre le médicament sur un marché canadien.

20. Il n'y a pas de litige entre les parties quant au fait que le ratio HFA est un médicament et qu'il serait un produit médicamenteux de la catégorie 1 en vertu du Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures d'avant 2010 (les « Lignes directrices ») du Conseil, si les ventes du ratio HFA par ratiopharm relevaient de la compétence du Conseil. Tel qu'il est décrit dans les Lignes directrices, il s'agit d'un nouveau numéro d'identification du médicament (« DIN ») d'une forme posologique existante ou comparable d'un médicament existant, le Ventolin HFA. En 2001, Santé Canada a attribué un nouveau DIN au ratio HFA en vertu du Règlement sur les aliments et drogues. Il n'y a pas non plus de litige entre les parties quant au fait que le ratio HFA était vendu au Canada par ratiopharm en vertu d'un Avis de conformité (« AC ») délivré par Santé Canada à ratiopharm le 16 juillet 2002 conformément à ce règlement.

21. Les parties ne contestent pas non plus le fait que deux brevets canadiens, nos 2 125 665 et 2 125 667 (les « brevets »), octroyés à Glaxo Group Ltd. (UK) et cédés à GSK par contrat de licence, se rapportent à une invention aux fins de production du Ventolin HFA et du ratio HFA au sens du paragraphe 79(2) de la Loi. Les brevets couvrent la préparation de sulfate du salbutamol avec un gaz propulseur au hydrofluoroalcane dans le but de former un aérosol destiné à l'inhalation.

22. Dans son témoignage sous serment, le témoin de ratiopharm, M. Kent Major, vice président de la recherche et du développement et des affaires réglementaires chez ratiopharm, reconnaît qu'en septembre 2001, afin d'obtenir de Santé Canada un AC pour la vente du ratio HFA par ratiopharm, il avait cité l'un des brevets sur le formulaire pertinent de Santé Canada qu'il avait signé (formulaire V : Déclaration concernant la liste de brevets), que ce brevet était lié au ratio HFA, qu'il lui avait attribué la date d´expiration de 2012 et qu'il avait indiqué, sur le formulaire, que ratiopharm avait obtenu du propriétaire du brevet le consentement « pour la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente du [ratio HFA] au Canada ».

23. Dans son témoignage, M. Major rapportait que ratiopharm avait lancé le ratio HFA au Canada en 2002 et qu'il l'avait vendu sur des marchés canadiens de septembre 2002 à la fin de janvier 2010.

24. Cependant, ratiopharm soutient qu'il n'est pas un breveté au sens de l'article 79 de la Loi en ce qui concerne la vente du ratio HFA, puisque tout brevet qui porte sur le ratio HFA appartient exclusivement à GSK, et l'ensemble des droits, des intérêts et des titres relatifs aux brevets, et à l'invention qui est consignée et protégée par GSK sont les droits, les intérêts et les titres exclusifs de GSK, et excluent complètement ratiopharm. Ce dernier insiste sur le fait qu'il n'a jamais détenu de brevet pour le ratio HFA.

b. Les ententes

25. Dans le cadre de l'entente aux termes de laquelle ratiopharm a vendu le ratio HFA, ratiopharm a acquis le titre afférent au ratio HFA auprès de GSK pour la revente du médicament au Canada à un prix par aérosol-doseur convenu par les parties conformément aux ententes, lesquelles ont été modifiées et reformulées au fil du temps. Essentiellement, les ententes accordent à ratiopharm la licence exclusive pour la promotion, la commercialisation et la vente du ratio HFA au Canada. En vertu des ententes, ratiopharm assumait la responsabilité de toutes les activités liées à la revente du ratio HFA, y compris la fixation des prix. Les ententes interdisent expressément à ratiopharm d'octroyer par sous-licence les droits accordés dans les ententes, et réservent expressément à GSK tous les droits de propriété intellectuelle, y compris les brevets.

26. Dans son mémoire, ratiopharm soutient que, puisque GSK n'a ni transféré, ni attribué, ni octroyé par licence tout droit d'usage ou d'exploitation, ou tout intérêt dans des droits que confère un brevet ou toute licence sur des brevets appartenant exclusivement à GSK, il n'est admissible à aucun droit ou intérêt dans les brevets, exprès ou tacite, et il n'a pas le droit de tirer avantage des brevets concernant l'invention du ratio HFA par GSK, à l'exception du droit de commercialiser et de vendre le ratio HFA. Par conséquent, ratiopharm soutient que la vente du ratio HFA au Canada par ratiopharm ne relève pas de la compétence du Conseil en vertu de la Loi.

27. Le Personnel du Conseil est de l'avis suivant :

(a) en vertu de l'article 42 de la Loi, les droits exclusifs associés à l'octroi d'un brevet comprennent le droit d'utiliser l'invention ou de vendre l'invention destinée à un usage;

(b) en autorisant ratiopharm à commercialiser et à vendre le ratio HFA au Canada sous sa propre marque de commerce, GSK a accordé à ratiopharm un droit dont l'exercice, n'eût été l'autorisation, aurait contrefait les brevets;

(c) il en résulte que ratiopharm exerce un droit sur un brevet portant sur le ratio HFA au sens du paragraphe 79(1) de la Loi, ce qui est donc suffisant pour considérer que ratiopharm est un breveté en ce qui concerne la vente du ratio HFA.

28. L'article 42 de la Loi stipule ce qui suit :

42. Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l´invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de l'invention, sauf jugement en l'espèce par un tribunal compétent.

c. La question du « prix départ usine »

29. ratiopharm soutient que, bien que les ventes prix départ usine du ratio HFA à ratiopharm par GSK, le fabricant du médicament, puissent relever de la compétence du Conseil, ce dernier n'a aucun droit de regard sur la revente du ratio HFA par ratiopharm conformément aux ententes. De l'avis de ratiopharm, il ne peut y avoir deux brevetés ayant chacun un prix départ usine ou un prix du fabricant différent pour la même unité des mêmes ventes de la même chaîne de distribution d'un médicament. ratiopharm se fie à l'affaire Pfizer Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 719 (« Pfizer ») pour conclure que la compétence du Conseil se limite à la première vente dans la chaîne d'approvisionnement ou de distribution, soit, dans ce cas-ci, la vente du ratio HFA par GSK à ratiopharm aux fins de revente par ratiopharm à des grossistes, à des pharmacies et à des hôpitaux, entre autres.

30. Le sous-alinéa 4(1)f)(ii) du Règlement oblige les brevetés à rendre compte, dans le cadre des renseignements relatifs à un médicament breveté devant faire l'objet d'un rapport en vertu de l'alinéa 80(1)b) de la Loi, du prix départ usine accessible au public de chaque forme posologique, de chaque concentration et de chaque format d'emballage dans lesquels le médicament a été vendu par le breveté à chaque catégorie de clients, dans chaque province et territoire. Le « prix départ usine » n'est pas défini dans le Règlement.

31. Dans le Guide du breveté (le « Guide ») du Conseil, le « prix départ-usine » est défini en partie de la sorte :

Prix départ-usine : Le prix de la première vente du médicament [...] par le fabricant aux distributeurs, grossistes, hôpitaux, pharmacies, etc. n'ayant avec lui « aucun lien de dépendance ». Le prix départ-usine correspond généralement au « prix catalogue » du médicament.

32. Le Conseil a donc, d'après le Guide, désigné le « prix départ-usine » comme le moment où les médicaments brevetés sont vendus aux distributeurs, aux grossistes, aux hôpitaux ou aux pharmacies, se distinguant des ventes au détail. Pour que le Conseil puisse exécuter avec cohérence son mandat statutaire, tel qu'il a été déterminé dans le jugement ICN, il doit être réceptif au moment d'établir les prix dont relève sa compétence dans le cadre de diverses ententes de vente, de distribution, d'ordre commercial et de mise en marché, telles que celles qui s'appliquent à ratiopharm, selon lesquelles ratiopharm achète le ratio HFA de GSK, le fabricant, et le revend à un prix déterminé aux distributeurs et aux pharmacies aux fins de vente aux consommateurs.

33. Par ailleurs, le Panel note que le jugement Pfizer n'a pas abordé ou déterminé qui, dans des circonstances précises comme celles de l'affaire portée devant le Panel, peut être considéré comme un breveté aux fins des articles 83 et 85 de la Loi. Le jugement Pfizer n'a donc pas non plus abordé ou déterminé ce qu'est le « prix départ usine accessible au public » dans des circonstances précises aux fins du sous-alinéa 4(1)f)(ii) du Règlement ou le « premier prix » ou « prix catalogue » du médicament en litige.

d. Le sens de « breveté » aux fins des articles 80 à 85 de la Loi

34. La question de savoir si ratiopharm est un breveté en ce qui concerne la vente du ratio HFA exige que le Panel détermine si ratiopharm peut être dépeint comme « quiconque […] exerce […] les droits d'un titulaire [de brevet] » relativement à un brevet portant sur le ratio HFA au sens du paragraphe 79(1) de la Loi au moment de la vente du ratio HFA au Canada par cette autre personne.

35. Selon un principe d'interprétation des lois bien établi, « les mots [d'une Loi] doivent être interprétés selon le contexte, dans leur acceptation logique courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l´intention du législateur ». Dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 (« Rizzo »), la Cour suprême a exprimé son accord avec ce principe fondamental énoncé par Elmer Driedger dans son ouvrage Construction of Statutes (2e édition, 1983), et ce principe a en général été appliqué par les tribunaux depuis lors.

36. Dans Shire Biochem Inc. c. Canada (Procureur général) (C.F.), 2007 CF 1316, le juge Russell, s'appuyant sur le jugement Rizzo et sur les dispositions de la Loi d'interprétation, a considéré que l'interprétation de la compétence conférée au Conseil par la loi nécessite d'effectuer une analyse téléologique et d'interpréter la Loi de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de l'objet de la Loi conformément à la jurisprudence pertinente.

37. Dans Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1 (« Celgene »), la Cour suprême a exprimé son accord avec les observations du Conseil et de la Cour d'appel fédérale, selon lesquelles l'interprétation des termes de la Loi qui sont en litige doit tenir compte du contexte législatif et de l'objet de la Loi. Il a également exprimé son accord avec le tribunal inférieur, qui avait déclaré que les mots « vendu sur un marché canadien » de l'alinéa 80(1)b), du paragraphe 83(1) et de l'article 85 de la Loi ne peuvent pas être uniquement définis conformément aux principes du droit commercial. Les mots doivent être assujettis à une interprétation qui est la plus compatible avec la réalisation de l'objet primordial de la Loi.

38. La juge Abella, s'exprimant au nom de la Cour au complet dans le jugement Celgene, a convenu que l'objet de la Loi était, tel qu'il a été confirmé dans le jugement ICN, de protéger les consommateurs, et que le mandat du Conseil consistait à s'assurer que les Canadiens ont accès à des médicaments brevetés dont le prix est raisonnable. Une interprétation faite par le Conseil en vertu de dispositions en litige de la Loi conformément à l'objet de protection du consommateur ne doit pas être remise en cause; par conséquent, dans le jugement Celgene, la Cour suprême a statué que la compétence du Conseil s'applique à un médicament breveté expédié des États-Unis à des médecins au Canada et payé aux États-Unis en USD en tant que médicament « vendu sur un marché canadien ».

39. Au moment d'aborder le sens de « breveté » à l'article 79 de la Loi, autant le Conseil que la Cour fédérale ont adopté une interprétation fondée sur l'objet visé. Dans CEPMB-99-D6-NICODERM (le 8 août 2000), un panel du Conseil a étudié la question de savoir si Hoechst Marion Roussel Canada Inc. (« HMRC »), qui vendait le médicament Nicoderm au Canada conformément à une entente de production de licence entre sa société mère et le détenteur de brevets canadiens pertinents, était lui-même un breveté aux fins de l'article 83 de la Loi. Le panel a conclu ce qui suit :

Le paragraphe 79(1) de la Loi élargit expressément la définition de « breveté » aux fins de la compétence du Conseil pour inclure non seulement la personne qui a le droit pour le moment aux avantages conférés par le brevet, mais aussi à toute personne qui peut exercer des droits à l'égard du brevet. Inutile de dire que cet élargissement de la définition de breveté s'impose pour que le Conseil s'acquitte de son mandat. Le Conseil doit pouvoir empêcher les personnes qui tireraient avantage du régime des brevets établi par la Loi, qu'elles soient ou non les titulaires réels d'un brevet ou de brevets qui ont trait aux médicaments, d'établir des prix excessifs.

40. Dans Hoechst Marion Roussel Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Justice) [2005] C.F. N° 1928, au paragraphe 128, la juge Heneghan a convenu que, bien que les brevets en litige appartenaient en fait à une partie autre que HMRC en vertu d'une entente de production de licence entre le titulaire de brevet et la société mère de HMRC, HMRC était autorisé à exercer au Canada les droits appartenant à sa société mère en vertu de cette entente et que HRMC était donc visé par l'article 79 de la Loi en ce qui concerne ces brevets.

41. En ce qui concerne la situation actuelle, et étant donné les termes de la Loi et le mandat et le but du Conseil, le Panel note qu'à première vue, le paragraphe 79(1) de la Loi n´englobe pas seulement une personne qui détient un brevet concernant une invention pharmaceutique et ne stipule pas qu'une personne doit être autorisée à exercer tous les droits sur un brevet afin d'être visée par la définition d'un breveté aux fins des articles 80 à 103 de la Loi. Puisque le paragraphe 79(1) inclut expressément comme breveté quiconque exerce les droits sur un brevet, il appartient au panel d'attribuer un sens aux mots qui correspondent à l'exercice du mandat statutaire du Conseil.

42. Les ententes conféraient à ratiopharm le droit exclusif de fixer le prix du ratio HFA, de vendre le ratio HFA et d'obtenir les approbations réglementaires nécessaires pour ce faire. N'eût été l'octroi de la licence, ces actions auraient porté atteinte aux droits appartenant exclusivement à GSK conformément à l'article 42 de la Loi. Il ne fait aucun doute que ces droits sont « liés » au brevet appartenant à GSK.

43. De l'avis du Panel, si ce dernier venait à accepter la position de ratiopharm selon laquelle on pourrait se soustraire à la compétence du Conseil à l'aide de la vente par contrat d'un médicament breveté à un prix négocié à une autre partie aux fins de sa revente sur un marché canadien à un prix différent du prix établi par cette deuxième partie, tandis que la partie principale conservait le droit de propriété intellectuelle distinct du droit de commercialisation et de vente, la compétence du Conseil serait grandement affaiblie et la réalisation de l'objet de la Loi qui est énoncé dans le jugement ICN serait à toutes fins utiles rendue inopérante en ce qui concerne le médicament breveté en question. Cela permettrait d'insérer tout simplement une entité commerciale comme ratiopharm dans la chaîne de distribution d'une façon qui ferait en sorte que le Conseil perde la capacité d'examiner les prix des médicaments, et ce, sans aucune justification de ce résultat. Si la vente effectuée par le titulaire de brevet s'était faite à un prix non excessif, le distributeur à qui on aurait donné le droit de revendre le médicament breveté serait en mesure de vendre le médicament à des pharmacies ou à d'autres consommateurs à un prix non réglementé, ce qui ferait donc échouer le mandat du Conseil.

44. Par conséquent, le Panel croit qu'il y a des raisons valables d'interpréter l'article 79 de la Loi d'une façon qui englobe les entités qui se trouvent dans la situation de ratiopharm : non seulement le sens ordinaire des termes de l'article 79 tiennent compte de la vente du ratio HFA par ratiopharm en vertu d'une entente avec GSK en tant que personne admissible à exercer des droits relativement aux brevets, mais encore l'interprétation téléologique de la Loi exige qu'une telle conclusion soit rendue afin que le Conseil puisse exécuter son mandat statutaire.

e. Conclusion

45. Le Panel conclut que, pour les motifs énoncés, ratiopharm est un breveté en vertu des articles 79 à 85 de la Loi en ce qui concerne la vente du ratio HFA sur un marché canadien, et qu'en tant que breveté, il lui incombait entièrement de s'assurer que le prix du ratio HFA auquel il a vendu le ratio HFA sur un marché canadien n'était pas excessif en vertu des articles 83 et 85 de la Loi.

46. Le Panel est d'avis que, bien que GSK détienne le titre des brevets liés au ratio HFA, les faits de la présente affaire et l'interprétation téléologique des mots « vend sur un marché canadien le médicament » à l´article 83 de la Loi l'amènent à conclure que GSK n'est pas le breveté du ratio HFA aux fins de cet article. De l'avis du Panel, GSK n'est pas, étant donné les faits de la présente affaire, la partie à qui il appartient de s'assurer que le prix du ratio HFA que paient les consommateurs canadiens n'est pas excessif, comme l'exige la Loi. Cela appartient plutôt à ratiopharm.

47. Le Panel note en outre qu'en vertu du paragraphe 4(5) du Règlement, en tant que breveté qui vend un médicament breveté à un autre breveté, GSK est dispensé de rendre compte du prix et des renseignements de vente du ratio HFA, tel que l'exigent l'article 80 de la Loi et l'article 4 du Règlement, y compris le prix départ usine accessible au public auquel le ratio HFA était vendu.

III. La question de savoir si ratiopharm a vendu le ratio HFA sur un marché canadien à un prix excessif, contrevenant ainsi aux articles 83 et 85 de la Loi.

a. La compétence du Conseil en ce qui concerne les prix excessifs

48. L'article 83 de la Loi confère au Conseil le pouvoir de conclure qu'un breveté vend ou a vendu sur un marché canadien le médicament à un prix qu'il juge être ou avoir été excessif, ainsi que le pouvoir, après avoir rendu une telle conclusion, de rendre des ordonnances correctives pour compenser les recettes excessives qu'aurait procurées une telle vente selon l'estimation du Conseil. Le Conseil peut rendre une ordonnance pour que le breveté verse à Sa Majesté du chef du Canada une somme précisée dans l'ordonnance, entre autres choses.

49. Les paragraphes 85(1) et (2) de la Loi établissent les facteurs dont le Conseil doit tenir compte au moment de rendre une décision en vertu de l'article 83, dans la mesure où des renseignements sur ces facteurs lui sont disponibles. Ces facteurs sont les suivants :

85(1) a) le prix de vente du médicament sur un tel marché;
b) le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché;
c) le prix de vente du médicament et d'autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l'étranger;
d) les variations de l'indice des prix à la consommation;
e) tous les autres facteurs précisés par les règlements d'application du présent paragraphe.

85(2) Si, après avoir tenu compte de ces facteurs, il est incapable de décider si le prix d'un médicament vendu sur un marché canadien est excessif, le Conseil peut tenir compte des facteurs suivants :
a) les coûts de réalisation et de mise en marché;
b) tous les autres facteurs précisés par les règlements d'application du présent paragraphe ou qu'il estime pertinents.

50. Le Panel doit donc déterminer si le prix d'un médicament breveté vendu au Canada est ou était excessif en comparant le prix du médicament au Canada avec le prix de médicaments comparables vendus au Canada, en comparant le prix de vente du médicament dans d'autres pays énumérés dans le Règlement, ainsi que le prix de vente des médicaments comparables dans ces pays, et en tenant compte des variations de l'indice des prix à la consommation (« IPC »).

b. Exigences en matière de rapports en vertu de la Loi

51. La capacité du Conseil à remplir son mandat en vertu des articles 83 et 85 de la Loi, qui consiste à vérifier le prix des médicaments brevetés et à rendre des ordonnances correctives en cas de prix excessifs, repose sur un système de rapports volontaires. En vertu de l'alinéa 80(1)b) de la Loi, les brevetés sont tenus, conformément au Règlement, de présenter au Conseil, pour les périodes définies, les données sur les prix et les ventes des médicaments brevetés qu'ils vendent au Canada, entre autres choses.

52. Les sous-alinéas 4(1)f)(i) et (ii) du Règlement stipulent en partie ce qui suit :
4(1)f) Pour l'application des alinéas 80(1)b) et (2)b) de la Loi, les renseignements identifiant le médicament et ceux sur son prix de vente doivent indiquer :

(i) la quantité du médicament vendu sous sa forme posologique finale et soit son prix moyen par emballage, soit les recettes nettes dérivées des ventes de chaque forme posologique, de chaque concentration et de chaque format d´emballage dans lesquels le médicament a été vendu par le breveté ou l'ancien breveté à chaque catégorie de clients dans chaque province et territoire,

(ii) le prix départ usine accessible au public de chaque forme posologique, de chaque concentration et de chaque format d'emballage dans lesquels le médicament a été vendu par le breveté ou l'ancien breveté à chaque catégorie de clients dans chaque province et territoire,

53. Aux fins du sous-alinéa 4(1)f)(i) du Règlement, le paragraphe 4(4) stipule ce qui suit :

4(4)a) le prix après déduction des réductions accordées à titre de promotion ou sous forme de rabais, escomptes, remboursements, biens ou services gratuits, cadeaux ou autres avantages semblables et après déduction de la taxe de vente fédérale doit être utilisé pour le calcul du prix moyen par emballage dans lequel le médicament était vendu;

4(4)b) le montant des recettes après déduction des réductions accordées sous forme de rabais, escomptes, remboursements, biens ou services gratuits, cadeaux ou autres avantages semblables et après déduction de la taxe de vente fédérale doit être utilisé pour le calcul des recettes nettes pour chaque forme posologique, chaque concentration et chaque format d'emballage dans lesquels le médicament était vendu sous sa forme posologique finale.

Ces renseignements sont inclus dans l'article 4 du Règlement, qui met en vigueur la présentation du formulaire 2. Le formulaire 2 permet au Conseil de calculer le prix de vente moyen (« PVM ») par dose de médicament breveté vendu par un breveté sur des périodes de six mois d'après les recettes nettes et le total des unités vendues, tel que l'exige l'article 4 du Règlement.

c. Rapports sur le formulaire 2 de ratiopharm concernant le ratio HFA

54. Même si ratiopharm avait vendu le ratio HFA au Canada depuis septembre 2002, il n'avait présenté aucun renseignement sur les ventes du ratio HFA avant que le personnel du Conseil lui en fasse la demande. Le 29 septembre 2006, ratiopharm a présenté son rapport sur le formulaire 2 concernant le ratio HFA pour la période du 2 juillet 2002 au 30 juin 2006, et il a continué de rendre compte de tels renseignements pour les périodes ultérieures (les « rapports initiaux sur le formulaire 2 »). Dans les rapports initiaux sur le formulaire 2, les recettes nettes tirées des ventes du ratio HFA ont été calculées en y déduisant des montants bruts des recettes payées en tant que (i) frais de distribution des produits; (ii) escomptes pour paiement rapide; et (iii) retours de produits.

55. Le 30 mars 2009, environ huit mois après l'émission de l'Avis d'audience dans l'affaire du ratio HFA, ratiopharm a présenté des révisions à ses rapports initiaux sur le formulaire 2 pour la période du 2 juillet 2002 au 31 décembre 2008 (les « rapports révisés sur le formulaire 2 »). ratiopharm a déclaré que ces révisions étaient attribuables à une erreur dans le calcul des prix moyens dans les rapports initiaux sur le formulaire 2. Lorsqu'il a recalculé les recettes nettes tirées des ventes du ratio HFA, ratiopharm a effectué des déductions supplémentaires; c'est à dire qu'il a déduit des recettes brutes, à titre de rabais, les montants suivants : (i) les montants payés aux pharmacies, appelés paiements destinés au perfectionnement professionnel (« PP »); (ii) les paiements destinés au programme d'amélioration du rendement (« PAR ») – collectivement, les « indemnités professionnelles »; (iii) les escomptes pour paiement rapide; et (iv) les montants liés aux retours de produits. ratiopharm a retiré comme rabais les frais de distribution des produits qui avaient précédemment été inclus. Les révisions résultent en une importante réduction du PTM de ratiopharm relativement au ratio HFA pendant ces périodes, se chiffrant à des dizaines de millions de dollars. Les PTM révisés du ratio HFA entre 2003 et 2007 sont de 11 % à 26 % inférieurs aux PTM calculés en fonction des rapports initiaux sur le formulaire 2 pour ces années.

d. Le rôle que jouent les Lignes directrices du Conseil dans les décisions concernant les prix excessifs

56. Une décision prise par le Conseil en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi est discrétionnaire en ce que le Conseil est tenu de donner son avis sur la question de savoir si un médicament est vendu ou a été vendu sur un marché canadien à un prix excessif. Au moment de donner un tel avis, le Conseil doit tenir compte des facteurs énumérés au paragraphe 85(1), sans plus, à moins qu'il ne soit pas en mesure de prendre une décision en vertu de ces facteurs et qu'il doive, par conséquent, tenir compte des facteurs établis au paragraphe 85(2) de la Loi. Le paragraphe 85(1) ne présente toutefois que des facteurs de base et offre une orientation limitée au Conseil au moment de déterminer si des prix sont excessifs.

57. Les Lignes directrices du Conseil sont conçues de façon à mettre en application le paragraphe 85(1) de la Loi en fournissant des paramètres et de l'information concernant la façon dont le Conseil, dans le cours normal de ses activités, évaluera les facteurs énumérés au paragraphe 85(1) afin de déterminer si des prix sont excessifs. Le Conseil a émis les Lignes directrices après avoir consulté ses intervenants, et les Lignes directrices sont périodiquement mises à jour à la suite d'autres consultations. Conformément au paragraphe 96(4) de la Loi, les Lignes directrices ne lient ni le Conseil, ni les brevetés. Cependant, elles assurent une orientation et une prévisibilité détaillées et complètes aux brevetés, et permettent au Conseil d'exécuter son mandat de façon transparente et cohérente.

58. Le 21 décembre 2009, dans CEPMB-07-D5-Quadracel et Pentacel (« Quadracel »), un panel du Conseil a mis l'accent sur le fait que tous les anciens panels du Conseil, ainsi que la Cour fédérale, ont reconnu qu'un panel, lorsqu'il doit déterminer si un médicament est vendu ou a été vendu à un prix excessif, peut tenir compte des Lignes directrices du Conseil.

59. Dans ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés) [1996] A.C.F. n° 1112 (Cour fédérale du Canada - Division de première instance), le juge Rothstein, qui était alors juge à la Cour fédérale, s'est penché sur la question de savoir si le Conseil avait outrepassé sa compétence en tenant compte de ses Lignes directrices au moment de décider si le Virazole avait été vendu à un prix excessif, étant donné que les Lignes directrices ne font pas partie des facteurs énumérés au paragraphe 85(1) de la Loi. Au paragraphe 6, il a déclaré ce qui suit :

6. Les requérantes prétendent que le Conseil ne pouvait tenir compte de ses lignes directrices sous le régime du paragraphe 85(1) puisque ces dernières ne font pas partie des facteurs qui y sont énumérés. Or, ces facteurs ne sont pas autant de concepts abstraits applicables en vase clos. Le Conseil est manifestement requis de tenir compte des facteurs prévus au paragraphe 85(1) en fonction d'un certain raisonnement ou d'une certaine approche ou méthodologie qui peut être élaboré pour chaque cas d'espèce ou découler des lignes directrices du Conseil. Que le Conseil se soit appuyé sur ses lignes directrices pour élaborer son raisonnement, son approche ou sa méthodologie n'a pas eu pour effet de l´entraîner au-delà de la portée du paragraphe 85(1)2.

Dans la note 2 du paragraphe 6 de son jugement, le juge Rothstein a précisé que, si le Conseil a traité les Lignes directrices comme obligatoires en droit, il peut avoir commis une erreur, étant donné le paragraphe 96(4) de la Loi.

60. Un panel du Conseil doit donc être convaincu que les Lignes directrices prévoient une exécution appropriée du paragraphe 85(1) de la Loi dans l'affaire dont il a été saisi. Les conclusions du panel à cet effet s'appuieront sur les preuves et les observations des parties, le personnel du Conseil ayant le fardeau initial de convaincre le panel qu'étant donné les facteurs établis au paragraphe 85(1), il convient d'appliquer les Lignes directrices, ainsi que de convaincre le panel que le prix d'un médicament est excessif selon la prépondérance des probabilités : voir, par exemple, Leo Pharma Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 306, au paragraphe 27 (« Leo Pharma »).

61. Dans le jugement Quadracel, on a également précisé qu'un panel peut s'éloigner des Lignes directrices du Conseil s'il est convaincu que cela est approprié, compte tenu de la preuve, pour en arriver à une décision concernant les prix excessifs. Les conclusions du panel doivent s'appuyer sur un examen équilibré de l'ensemble des facteurs énumérés dans la Loi, sur un examen adéquat du caractère approprié de la dépendance du Conseil à l'égard des tests appliqués aux prix des médicaments qui sont établis dans les Lignes directrices, ainsi que sur la présomption d'un prix excessif qui en découlait dans l'affaire en question.

62. Selon le témoignage de Mme Ginette Tognet, directrice de la réglementation et de la liaison auprès des brevetés du Conseil et responsable de l'examen des prix des médicaments brevetés, les allégations de prix excessif du personnel du Conseil relativement aux ventes du ratio HFA par ratiopharm s'appuient sur des analyses conformes aux tests appliqués aux prix des médicaments, ainsi qu'aux autres tests établis dans les Lignes directrices du Conseil. Cependant, malgré l'effet présomptif de l'analyse effectuée conformément aux Lignes directrices, le personnel du Conseil a, au cours de l'affaire, soumis des éléments de preuve et des observations à l'appréciation du Panel concernant ce qui suit : le caractère approprié de l'application des Lignes directrices dans les circonstances de l'affaire, l'importance accordée à tout facteur en particulier du paragraphe 85(1), et le caractère approprié d'un éloignement par rapport à l'applicabilité des Lignes directrices, tel que le préconise ratiopharm. Le personnel du Conseil ne s'est pas simplement fié à l'existence des Lignes directrices : il a invoqué la preuve et soutenu que les Lignes directrices prévoient une exécution appropriée du paragraphe 85(1) de la Loi dans les circonstances particulières de la présente affaire.

e. L'établissement du prix du ratio HFA par ratiopharm

63. Lorsque ratiopharm a commencé à vendre le ratio HFA au Canada en septembre 2002, quatre aérosols-doseurs de salbutamol contenant un gaz propulseur au chlorurofluorurocarbone (« CFC ») étaient disponibles sur le marché. Ils étaient les suivants :

(i) le Ventolin CFC, au prix catalogue de 12,27 $ par aérosol-doseur, qui était disponible sur le marché canadien depuis 1972, bien avant l'établissement du Conseil, en 1987;

(ii) le ratio-Salbutamol;

(iii) l'Apo-Salvent;

(iv) le Novo-Salmol, au prix catalogue de 4,64 $ par aérosol-doseur.
L'Airomir, un aérosol-doseur de salbutamol sans CFC lancé sur le marché canadien en 1998, était quant à lui offert au prix catalogue de 4,65 $ par aérosol-doseur.

64. À la suite d´une interdiction par le gouvernement canadien d'employer des CFC dans les aérosols-doseurs, les aérosols-doseurs contenant des CFC n'ont plus été vendus au Canada à partir du 31 décembre 2002. L'Apo-Salvent, une version générique autorisée de l'Airomir, est un aérosol-doseur sans CFC qui a été mis sur le marché en 2002. Le prix catalogue du ratio HFA et de l'Apo-Salvent sans CFC avait été fixé à 4,64 $ par aérosol-doseur; peu de temps après, le prix catalogue de l'Airomir a été réduit, passant de 4,65 $ à 4,64 $ par aérosol-doseur. En 2002, GSK a également lancé le Ventolin HFA au Canada, lui attribuant le même prix catalogue par aérosol-doseur que le Ventolin CFC.

65. Le prix catalogue du ratio HFA, de l'Airomir et de l'Apo-Salvent sans CFC est demeuré le même jusqu'en novembre 2004, moment où ratiopharm, qui détenait alors environ 75 % du marché canadien des aérosols-doseurs de salbutamol, a augmenté le prix catalogue du ratio HFA de 67 %, passant à 7,73 $ par aérosol-doseur. Avant cette augmentation, il n'y avait eu aucune augmentation du prix de médicaments comparables au Canada. Depuis 2002, en règle générale, les prix internationaux avaient baissé ou étaient demeurés stables. Dans les semaines suivant l'augmentation du prix du ratio HFA, le prix catalogue de l'Airomir et celui de l'Apo-Salvent sans CFC ont également été augmentés à 7,73 $ par aérosol-doseur. En octobre 2009, GSK a avisé le Conseil de l'expiration des ententes et du fait qu'il réduirait le prix catalogue du Ventolin HFA à 6,50 $ par aérosol-doseur afin d'être inscrit aux formulaires provinciaux. En novembre 2009, le prix catalogue du ratio HFA a été réduit à 6,50 $ par aérosol-doseur jusqu'à ce que les stocks du ratio HFA de ratiopharm soient liquidés, à la fin janvier 2010. Le prix catalogue de l'Airomir a été réduit de façon considérable à la suite de la conclusion d'un Engagement de conformité volontaire (« engagement ») avec le Conseil, en avril 2007. Le Conseil est actuellement saisi d'une affaire concernant le prix excessif de l'Apo-Salvent sans CFC.

f. Application des tests appliqués aux prix des médicaments en
vertu des Lignes directrices par le personnel du Conseil

66. Lorsqu'un médicament breveté est lancé sur le marché canadien, le prix maximum non excessif (« MNE ») du médicament est déterminé par le personnel du Conseil en fonction du prix des médicaments comparables, c.-à-d. les médicaments de la même catégorie thérapeutique, ou en fonction des prix internationaux du médicament, soit le prix médian ou le prix le plus élevé, sur le marché des sept pays précisés dans le Règlement. Le personnel du Conseil présumera que le prix du nouveau médicament au moment de son lancement n'est pas excessif en vertu des Lignes directrices du Conseil si le prix du médicament est égal ou inférieur au prix MNE qui a été établi jusqu'à cette date. Dans les années ultérieures, le prix MNE annuel sera déterminé en fonction du PTM d'une année précédente, ayant été augmenté par les facteurs de l'IPC (si le breveté choisit d'augmenter ainsi le prix du médicament) conformément à la méthode de calcul en fonction de l'IPC du Conseil, toujours sous réserve que le prix du médicament au Canada ne soit pas le plus élevé dans les sept pays nommés dans le Règlement. On présumera que le PTM du médicament pour une année donnée n'est pas excessif s'il est égal ou inférieur au prix MNE pour cette année.

67. En vertu des Lignes directrices du Conseil, aucun autre test appliqué aux prix des médicaments n'est requis afin de déterminer si un prix est excessif une fois que le prix MNE d´un médicament est établi au moment de son lancement. Cependant, étant donné la position de ratiopharm à l'égard du caractère approprié de la dépendance vis-à-vis de ce test dans le cas de ses ventes du ratio HFA, le personnel du Conseil a effectué d'autres tests appliqués aux prix des médicaments en vue de cette affaire. Les tests ont été effectués pour la période entre le moment du lancement et 2009, d'après le prix des médicaments comparables vendus au Canada et dans les pays précisés dans le Règlement. Les calculs des recettes nettes tirées des ventes du ratio HFA, en tenant compte des rabais relatifs au PP et aux PAR, ne s'appliqueraient que jusqu'à la fin des périodes de rapport de 2008, compte tenu des renseignements que ratiopharm avait fournis dans le formulaire 2. Certains renseignements ont été mis à jour au cours de l'affaire.

i) Détermination de la comparabilité

68. Tel que le suggèrent les Lignes directrices du Conseil, les médicaments comparables utilisés par le personnel du Conseil pour établir un prix de lancement MNE d'un médicament de catégorie 1 et pour effectuer des tests en vue de déterminer le prix conformément au paragraphe 85(1) de la Loi sont déterminés à la suite d'un examen scientifique conçu de façon à cerner les médicaments qui sont équivalents d'un point de vue clinique pour traiter la maladie pour laquelle ils sont approuvés, et qui ont une forme posologique et une concentration comparables. Ces critères définissent la catégorie thérapeutique du médicament aux fins des alinéas 85(1)b) et c) de la Loi. Le Groupe consultatif sur les médicaments pour usage humain (« GCMUH »), un groupe indépendant de scientifiques qui offrent des avis au personnel du Conseil sur ces questions, a recommandé que la catégorie thérapeutique du ratio HFA comprenne l'Airomir et les versions avec CFC du Ventolin, de l'Apo-Salvent, du ratio-Salbutamol et du Novo-Salmol. Le personnel du Conseil a utilisé ces médicaments pour les tests appliqués aux prix au moment du lancement du ratio HFA en 2002. Le personnel du Conseil a constaté que le Ventolin n'était pas utilisé pour le test qui a établi le prix de référence MNE du ratio HFA, parce qu'à ce moment il faisait l'objet d'une enquête en vue de vérifier si le prix était excessif, bien que l'on ait conclu par la suite que le prix n'était pas excessif en date de 2003. Le Conseil a adopté la pratique de ne pas utiliser un médicament faisant l'objet d'une enquête comme médicament de comparaison, étant donné qu'il n'est ni cohérent ni logique d'établir le prix MNE d'un médicament par rapport au prix d'un médicament qui pourrait lui-même afficher un prix excessif. (voir PMPRB-99-D10-Nicoderm-Merits (le 9 avril 2010)).

69. Selon le personnel du Conseil, les médicaments de comparaison appropriés au ratio HFA vendus au Canada et dans les pays précisés dans le Règlement en vue de fixer le prix du ratio HFA après la période de lancement étaient le Ventolin HFA après 2003, l'Airomir et l'Apo Salvent sans CFC; dans six des sept pays précisés dans le Règlement, le Ventolin HFA; et en Allemagne, le Ventolin HFA et le ratio HFA.

70. ratiopharm a tenté d'élargir la catégorie thérapeutique des médicaments de comparaison du ratio HFA utilisés pour la comparaison des prix. Mme Joan McCormick, une consultante à Brogan Inc. (maintenant connu sous le nom IMS Brogan) mais qui n'est pas une experte en médecine, une pharmacienne ou une scientifique, a témoigné à ce sujet. Son témoignage contredisait celui qui avait été donné au nom du personnel du Conseil par M. Adil S. Virani, professeur adjoint des sciences pharmaceutiques de la University of British Colombia, directeur des sciences pharmaceutiques de la Fraser Health Authority, et membre du GCMUH. M. Virani a témoigné qu'il n'était pas nécessaire de comparer le ratio HFA à d'autres médicaments, compte tenu de l´existence de produits médicamenteux ayant la même forme posologique des mêmes ingrédients actifs que ceux du ratio HFAM. Virani a témoigné que les aérosols-doseurs de salbutamol constituent la catégorie appropriée de médicaments de comparaison pour le ratio HFA, [Traduction] « la meilleure comparaison de pommes avec des pommes ». Le Dr Tom Kovesi, un spécialiste des troubles respiratoires infantiles, a soutenu que les médicaments supplémentaires que Mme McCormick tentait d'ajouter à titre de médicaments de comparaison au ratio HFA aux fins de comparaison des prix ne sont pas en effet comparables au ratio HFA d'un point de vue clinique.

71. Le Panel est convaincu, compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés, que des médicaments de comparaison appropriés ont été utilisés par le personnel du Conseil afin d'établir le prix non excessif du ratio HFA pour la période de lancement et la période de 2002 à 2009.

ii) Prix de lancement du ratio HFA et
alinéas 85(1)a) et b) de la Loi

72. En se reportant aux prix accessibles au public des médicaments de comparaison pour le ratio HFA au Canada, le personnel du Conseil a constaté que le prix du ratio HFA pendant la période de lancement n'était pas excessif lorsqu'on l'évaluait conformément au test établi dans les Lignes directrices du Conseil. Le test de Comparaison selon la catégorie thérapeutique dans les Lignes directrices prévoit que le prix du médicament au cours de la période de lancement sera réputé non excessif par le personnel du Conseil, s'il n'est pas plus élevé que le prix du médicament de comparaison le plus cher. Le prix de lancement du ratio HFA était plus faible que le prix le plus élevé des médicaments comparables vendus au Canada.

73. Le PTM du ratio HFA pour la période suivant le lancement a été calculé par le personnel du Conseil en déduisant uniquement les escomptes pour paiement rapide et les retours signalés par ratiopharm dans ses rapports initiaux sur le formulaire 2 et, ensuite, lorsque ratiopharm a présenté les rapports révisés sur le formulaire 2, avec l'ajout de la déduction des rabais pour le perfectionnement professionnel (PP) et le programme d'amélioration du rendement (PAR) indiqués dans les rapports révisés sur le formulaire 2. Le personnel du Conseil a constaté que le PTM du ratio HFA était non excessif dans les deux cas jusqu'à ce que le prix catalogue du médicament soit augmenté à 7,73 $ par aérosol-doseur en novembre 2004. Les parties s'entendent pour dire que, sans se départir de la méthodologie des Lignes directrices du Conseil pour la fixation des prix, selon les renseignements contenus dans les rapports initiaux et révisés sur le formulaire 2, le prix du ratio HFA est excessif depuis 2004. La seule question est le montant des recettes excessives. Ces recettes sont essentiellement réduites de la moitié si on tient compte de tous les rabais affirmés par ratiopharm dans les rapports révisés sur le formulaire 2, au lieu de se limiter aux escomptes pour paiement rapide et aux retours dans les rapports initiaux sur le formulaire 2.

74. Depuis 2005, le prix public du ratio HFA et son PTM, sans compter la déduction des rabais pour le PP et le PAR, était plus élevé que les prix publics au Canada des médicaments comparables qui n'étaient pas considérés comme excessifs, y compris le prix public du Ventolin HFA qui avait une tendance à la baisse après 2002. Le prix public du ratio HFA, sans compter la déduction des rabais pour le PP et le PAR, était également plus élevé que le prix de l'Airomir rajusté selon l'IPC conformément à l'engagement. En tenant compte de la déduction intégrale du PP et du PAR, le PTM du ratio HFA est demeuré moins élevé que le prix du Ventolin HFA. On ne pouvait pas cependant se fier au prix public de l'Apo-Salvent comme élément de comparaison pour les tests appliqués aux prix, parce que le médicament fait l'objet d'une enquête pour déterminer s'il a un prix excessif.

75. ratiopharm a contesté le fait que le personnel du Conseil a utilisé le prix moyen des ventes du Ventolin HFA par GSK aux hôpitaux et aux pharmacies communautaires comme prix catalogue du Ventolin HFA pour les tests utilisés en vue de déterminer le prix pour la période de 2003 à 2009. ratiopharm a désigné ce prix moyen comme un « prix du marché mixte » qui, à son avis, constituait un prix variable ou mouvant auquel le Ventolin HFA n'est pas réellement vendu sur un marché. ratiopharm a indiqué que le pourcentage des ventes du Ventolin HFA par GSK aux hôpitaux à un prix et aux pharmacies communautaires à un autre prix varie au fil du temps et le prix auquel le Ventolin HFA est vendu aux hôpitaux peut être aussi faible que 25 % du prix auquel le Ventolin HFA est vendu aux pharmacies communautaires. Par conséquent, à son avis, l'utilisation d'un prix moyen pour le Ventolin HFA a l'effet de maintenir le prix du Ventolin HFA plus faible pour les pharmacies qu'il ne devrait l'être aux fins d'une comparaison avec le prix catalogue du ratio HFA, au détriment de ratiopharm. ratiopharm a soutenu que le prix du ratio HFA devrait seulement être comparé avec le prix établi par IMS Health Inc., maintenant connu sous le nom IMS Brogan (« IMS »), pour le Ventolin HFA vendu aux pharmacies qui, selon lui et contrairement aux tests effectués par le personnel du Conseil, est demeuré plus élevé que le prix du ratio HFA.

76. Mme Tognet s'est fondée sur le prix public utilisé pour le Ventolin HFA à titre de prix public moyen, tel qu'il a été perçu par IMS dans le cadre normal des activités, en fonction du total des ventes et du nombre total des unités vendues, plutôt que sur le prix « construit » affirmé par ratiopharm. Elle a souligné que l'approche utilisée pour déterminer un prix moyen est appliquée de façon uniforme par le Conseil, le plus récemment dans son enquête du médicament comparable, l'Airomir.

iii) Alinéa 85(1)c) de la Loi

77. De plus, une Comparaison des prix internationaux (CPI) et une Comparaison du prix selon la catégorie thérapeutique internationale (« CPCTI ») ont été effectués par le personnel du Conseil en prévision de l´affaire, telles que décrites dans les Lignes directrices du Conseil (bien qu'elles ne soient pas obligatoires dans les circonstances) et au moyen des prix départ usine accessibles au public du ratio HFA et de médicaments comparables dans les sept pays précisés dans le Règlement. Selon les Lignes directrices, à la suite du test pour la CPPI, le prix d'un médicament breveté vendu au Canada sera réputé non excessif par le personnel du Conseil s'il n'est pas plus élevé que les prix internationaux du médicament dans les pays de comparaison précisés dans le Règlement. À la suite de l'application du test pour la CPCTI, une importance prioritaire a été accordée à la médiane des prix internationaux. Au moment de son lancement, le prix du ratio HFA au Canada était inférieur au prix départ usine le plus élevé du Ventolin HFA et du ratio HFA dans les sept pays précisés dans le Règlement, ainsi qu'au prix de lancement du ratio HFA par rapport à la médiane des prix internationaux du test pour la CPCTI.

78. Toutefois, depuis 2004, si on déduit les montants pour le PP et le PAR déclarés par ratiopharm, le PTM du ratio HFA a dépassé la médiane des prix internationaux (« MPI ») du ratio HFA en 2005, 2007 et 2008. Sans cette déduction, le PTM du ratio HFA était plus élevé que la MPI du ratio HFA pour chaque année depuis 2004, bien que le prix du ratio HFA n'ait pas été le prix le plus élevé parmi les pays de comparaison.

iv) Alinéa 85(1)e) de la Loi

79. Le personnel du Conseil a conclu que, pour chaque année depuis 2005, le prix du ratio HFA a dépassé considérablement le prix MNE rajusté selon l'IPC, conformément à la méthodologie de mise en réserve sur trois ans établie dans les Lignes directrices du Conseil, même si le PTM est calculé avec la déduction des montants du PP et du PAR déclarés par ratiopharm.

80. ratiopharm a contesté la méthodologie appliquée par le personnel du Conseil, telle qu'elle est établie dans les Lignes directrices du Conseil, pour l'ajustement du prix du ratio HFA selon l'IPC après la période de lancement. Sa contestation est fondée en grande partie sur l'argument selon lequel, en 2002, au moment de l'établissement du prix MNE de référence du ratio HFA, ratiopharm aurait pu, dans le cadre des tests utilisés pour déterminer le prix dans les Lignes directrices du Conseil, lancer le ratio HFA sur le marché au prix public de 9,02 $ par aérosol-doseur du Ventolin HFA, en fonction des données d'IMS, au lieu de fixer « arbitrairement » le prix faible de 4,64 $ par aérosol-doseur.

81. ratiopharm a soutenu qu'il avait lancé le ratio HFA en 2002 à un prix artificiellement faible qui ne correspondait pas au coût d'acquisition de GSK pour répondre aux attentes du gouvernement, lorsque l'utilisation de propulseur CFC dans les aérosols-doseurs a été bannie, voulant que l'utilisation d'un autre propulseur ne soit pas la cause d'augmentations de prix des aérosols-doseurs. M. Richard Schwindt, un expert en économie, a témoigné au nom du personnel du Conseil au sujet de la convenance d'utiliser le prix de lancement du ratio HFA comme point de référence pour calculer les augmentations subséquentes des prix. Il était d'avis que les preuves démontrent que les contraintes de prix imposées à ratiopharm pour le lancement du ratio HFA étaient probablement dues à la présence sur le marché de l'Airomir sans CFC à un prix catalogue de 4,65 $ par aérosol-doseur, à parité avec les aérosols-doseurs contenant du gaz CFC qui leur faisaient concurrence, et de l'Apo-Salvent sans CFC au prix de 4,64 $ par aérosol-doseur et qu'en effet, le ratio HFA a été lancé dans un marché concurrentiel en 2002, ce qui a influé sur la stratégie de prix à cette époque. Ainsi, le prix de lancement du ratio HFA n'était pas établi à un niveau arbitrairement ni artificiellement faible, mais plutôt le prix était calculé en fonction de la conjoncture du marché existant au moment du lancement.

82. M. Schwindt a donné son avis d'expert selon lequel la méthode de rajustement des prix selon l'IPC établie dans les Lignes directrices du Conseil, qui permet une « réserve » de trois ans en ce qui concerne la limitation des augmentations de prix, démontre la volonté d'éviter des modifications excessives au prix d'un médicament au cours d'une période donnée, des modifications qui dépendraient de la stabilité et de la prévisibilité des prix pour les consommateurs et qui vont à l´encontre de l'objet de la Loi. M. Ronald J. Corvari, directeur des politiques et de l'analyse économique au sein du Conseil jusqu'en 2008, a témoigné que des augmentations soudaines et importantes des prix constituaient une des principales préoccupations du Conseil exprimées au cours de vastes consultations auprès des intervenants, lesquelles ont donné lieu aux modifications apportées en 1994 à la méthode d'ajustement des prix selon l'IPC dans les Lignes directrices du Conseil. Les Lignes directrices permettent à un breveté d'augmenter le prix de son médicament afin qu'il corresponde aux augmentations de l'IPC, et lui accordent une certaine souplesse en permettant au breveté de créer une « réserve » d'augmentations pour une période limitée, mais empêchent des augmentations soudaines et importantes de prix en limitant les augmentations des prix aux trois dernières années de l'IPC.

83. Le personnel du Conseil a soutenu que, compte tenu de ses observations sur l'application des Lignes directrices du Conseil aux preuves déposées auprès du Panel, le Panel devrait conclure que le prix du ratio HFA a été excessif depuis 2004. Il a affirmé, par contre, qu'à la lumière de l'importance de l'augmentation de 67 % du prix du ratio HFA que ratiopharm a effectuée en 2004, alors qu'il n'y avait aucune modification du prix de l'Airomir ou de l'Apo-Salvent sans CFC, que le prix du Ventolin HFA diminuait et que les prix de médicaments comparables à l'étranger étaient stables ou diminuaient, le Panel devrait à sa propre appréciation attribuer plus de poids au facteur de l'IPC dans ce cas.

84. Le Panel considère que la méthode d'ajustement des prix selon l'IPC constitue une protection importante contre les augmentations soudaines et importantes des prix. Elle a pour but de modérer l'augmentation que le breveté peut imposer sur le prix d'un médicament d'une année à l'autre. Le Panel conclut que l'on devrait y accorder beaucoup de poids dans ce cas, lorsque le prix d'un médicament breveté couramment utilisé a augmenté de façon soudaine et considérable en 2004 dans des circonstances qui, à l'avis du Panel, ne justifiaient pas une telle augmentation. Le Panel accepte le caractère approprié d'appliquer la méthode d'ajustement des prix selon l´IPC de la manière prévue dans les Lignes directrices du Conseil et correspondant au prix MNE du ratio HFA au moment de son lancement.

v) Alinéa 85(1)e) de la Loi

85. Aucun autre facteur que le Panel devait prendre en considération aux fins des décisions en vertu du paragraphe 85(1) n'a été précisé dans le Règlement.

vi) Paragraphe 85(2) de la Loi

86. Conformément au paragraphe 85(2) de la Loi, le Panel peut uniquement tenir compte des facteurs qui y sont établis s'il est incapable de décider si le prix d'un médicament vendu faisant l'objet d'un examen est ou a été excessif, après avoir pris en considération les facteurs précisés au paragraphe 85(1).

87. ratiopharm a présenté des preuves par rapport aux coûts d'acquisition du ratio HFA et aux coûts de réalisation et de mise en marché du ratio HFA préparées par Cole Valuation Partners Limited (« Cole Partners »). Pour sa part, le personnel du Conseil a affirmé qu'il n'était ni nécessaire ni approprié que le Panel prenne en considération les facteurs du paragraphe 85(2) dans les circonstances de l'affaire en question, puisque ses preuves démontraient que, depuis 2004, compte tenu de l'ensemble des facteurs précisés au paragraphe 85(1) de la Loi et mis en œuvre conformément aux Lignes directrices du Conseil, c'est seulement lorsque les montants intégraux du PP et du PAR déclarés par ratiopharm sont déduits afin de déterminer le PTM du ratio HFA que le prix du ratio HFA était plus faible que le prix du Ventolin HFA. Si le prix du ratio HFA est comparé avec le prix de l'Airomir rajusté selon l'IPC conformément à l'engagement, avec les prix internationaux et avec le prix découlant de l'application de la méthode d'ajustement du prix selon l'IPC établie dans les Lignes directrices, et même avec les montants intégraux du PP et du PAR déclarés par ratiopharm, le prix du ratio HFA a été excessif depuis 2004.

88. Le Panel considère qu'il est en mesure de rendre une décision sur cette affaire en se fondant sur les facteurs du paragraphe 85(1). De plus, ratiopharm, à titre de revendeur du ratio HFA, n'a aucune preuve quant aux coûts matériels liés à la production du ratio HFA ni n'a les renseignements relevant de sa connaissance ou sous son contrôle.

vii) L'existence d'une position dominante sur le marché

89. ratiopharm a également soutenu qu'on ne pouvait pas considérer le prix du ratio HFA comme excessif, puisqu'il ne jouissait pas d'une situation de monopole ni même d'une position dominante sur le marché en ce qui concerne la vente du ratio HFA sur le marché canadien. Le Panel constate que la Cour d'appel fédérale dans le jugement ICN a indiqué clairement que l'existence d'une position dominante sur le marché n'est pas une condition préalable à l'exercice de la compétence du Conseil, et elle n´est pas pertinente dans cette affaire.

g. Conclusion

90. Selon les preuves présentées au personnel du Conseil, le Panel a déterminé qu'il convient d'appliquer les tests établis dans les Lignes directrices du Conseil à cette affaire. Il est également convaincu que les tests appliqués aux prix des médicaments qui ont été effectués par le personnel du Conseil lui permettent de soupeser tous les facteurs à considérer en application du paragraphe 85(1) de la Loi pour l'affaire dont il est saisi. Cependant, les conclusions finales du Panel sur la question des prix excessifs aux fins de l'article 83 de la Loi exigent que le Panel détermine en premier lieu si des rabais déclarés par ratiopharm peuvent être pris en compte en vue de déterminer si ratiopharm a vendu le ratio HFA à un prix excessif qui est contraire à la Loi, et lesquels, le cas échéant.

IV. La question de savoir si, au moment de déterminer le prix auquel ratiopharm vend ou a vendu le ratio HFA sur un marché canadien, le Panel peut tenir compte de tout remboursement ou de tout escompte accordé par ratiopharm sur de telles ventes et ayant fait l'objet d'un rapport au Conseil conformément à l'article 4 du Règlement.

a. Vente et distribution indirectes du ratio HFA

91. Au cours de l'affaire, Mme Saracino a décrit ce que ratiopharm désigne comme un modèle de distribution indirecte du ratio HFA presque exclusivement aux pharmacies en vue d'une revente éventuelle aux consommateurs. Dans le cadre de ce modèle, ratiopharm vend le ratio HFA, à quelques exceptions près, à ce qu'elle qualifie des « distributeurs », qui se composent de grossistes et de « centres de distribution », pour la revente aux pharmacies. Les centres de distribution comprennent les branches de distribution de grands groupes de pharmacies et des coopératives d'achat d'un certain nombre de pharmacies non affiliées et potentiellement des hôpitaux qui se sont regroupés pour l'approvisionnement. Les grossistes et les centres de distribution constituent les comptes d'entreprise de ratiopharm, et quelques pharmacies individuelles, ses comptes de détail. Les témoins pour ratiopharm ont estimé de dix à douze le nombre de comptes d'entreprise de ratiopharm pour la vente du ratio HFA.

92. Selon le témoignage de Mme Saracino, les grossistes et les centres de distribution achètent le ratio HFA de ratiopharm au prix catalogue et vendent le ratio HFA aux pharmacies au même prix catalogue et selon des modalités de paiement négociées et exécutées indépendamment de ratiopharm. Les grossistes et les centres de distribution reçoivent un honoraire de ratiopharm pour ce que Mme Saracino a qualifié de services de distribution. De façon générale, ils bénéficient également d'escomptes pour paiement rapide et traitent les retours du ratio HFA à ratiopharm en cas d'un retrait du produit du marché, de dommages ou de dépassement de la date de péremption, et pour lesquels ils offrent un crédit aux détaillants pour ensuite recevoir un crédit associé de ratiopharm. Les distributeurs distribuent le ratio HFA au prix qu'ils ont payé à ratiopharm, sans majoration. Le modèle évite que ratiopharm soit obligé de posséder et d'exploiter son propre système de distribution aux détaillants ou de faire le suivi auprès des comptes en souffrance.

93. Mme Saracino est d'avis que, dans le modèle opérationnel indirect, les distributeurs ne vendent pas le ratio HFA et ne le commercialisent pas; ils vendent plutôt des services de distribution.

94. Mme Saracino a expliqué que les quantités de ratio HFA que les pharmacies individuelles prévoient acheter par l'intermédiaire des grossistes et des centres de distribution sont des estimations faites par les pharmacies pour différentes périodes prospectives. Ces estimations génèrent les besoins en fournitures. Les pourcentages qui seront appliqués par les pharmacies au total des ventes du ratio HFA pour déterminer les indemnités professionnelles, les paiements de PP dans le cas de comptes d'entreprise et les paiements PAR dans le cas des comptes de détail, sont également convenus de façon prospective. Les paiements du PP et du PAR sont faits directement par ratiopharm aux pharmacies individuelles ou aux sièges sociaux régionaux des pharmacies bannières, et non à la branche de distribution de ces dernières, conformément au niveau de ventes anticipées et au pourcentage de rabais convenu. Ces paiements sont ensuite validés et rapprochés par ratiopharm avec l'aide des données achetées d'IMS. Les paiements sont ajustés au cours de la prochaine période de ventes, au fur et à mesure des besoins. Mme Saracino a par conséquent déterminé la pharmacie comme l'« ultime client » de ratiopharm dans la chaîne de vente et de distribution, puisque c'est la pharmacie qui crée effectivement la demande.

b. Rapports révisés sur le formulaire 2 de ratiopharm

95. Les déductions déclarées pour la vente du ratio HFA par ratiopharm dans ses rapports révisés du formulaire 2, en ce qui concerne les escomptes pour paiement rapide, les retours ou les rabais du PP ou du PAR, sont composées en grande partie d'estimations. Toutes les déductions sont attribuées aux ventes de ratio HFA au prorata en fonction du volume des ventes de ratio HFA sous forme de pourcentage des ventes totales de la société inscrites dans les livres comptables de ratiopharm et selon les états financiers vérifiés pour tous les produits vendus par ratiopharm. Les déductions déclarées sont attribuées au ratio HFA à titre de pourcentage des déductions pour l'ensemble de la société que ratiopharm a enregistrées pour tous ses produits.

96. Le Panel constate que ratiopharm a dit avoir estimé que la société offre une gamme de quelque 250 produits au Canada dans une grande variété de formes posologiques et de catégories thérapeutiques, et que, dans le petit nombre de documents déposés par ratiopharm, le pourcentage utilisé pour les rabais du PP et du PAR varie de 0 % à 70 %, et de façon particulière pour le ratio HFA, de 20 % à 40 %. Mme Saracino a témoigné que, en ce qui concerne le ratio HFA, le pourcentage appliqué dans un cas donné pourrait être aussi faible que 0 %.

97. Depuis les débuts de l'examen mené par le Conseil au sujet du prix auquel ratiopharm vendait ou avait vendu le ratio HFA, le personnel du Conseil a exprimé ses préoccupations à ratiopharm selon lesquelles les renseignements qu'il fournissait dans les rapports révisés du formulaire 2 ne suffisaient pas pour permettre au Conseil de confirmer que les rabais et les dépenses déclarées par ratiopharm relativement à la vente du ratio HFA ont été engagés à juste titre dans le but de la vente du ratio HFA. Le Panel a exprimé ces préoccupations, ce qui a donné lieu à la délivrance d'une ordonnance d´examen par le Panel.

98. Une partie importante de l'affaire comportait une discussion des questions suivantes : 1) la question de savoir si le Panel a besoin de la documentation propre au produit afin de vérifier les montants déclarés par ratiopharm à titre de rabais en vue de s'assurer que les montants ont été engagés, appuyés et directement liés aux ventes du ratio HFA; et 2) le caractère adéquat de la documentation à l'appui fournie par ratiopharm relativement aux rabais déclarés par ratiopharm au titre du ratio HFA. Selon le Panel, comme il est indiqué ci-dessous, le débat soulève des questions quant à la bonne foi de ratiopharm à titre de partie dans l'affaire et quant à la crédibilité de certains de ses témoins.

99. Le témoignage sous serment de M. Richard Monk, comptable en management agréé employé par Welch, était que l'examen sur place ordonné par le Panel dans l'ordonnance d'examen et mené par Welch, ainsi que la documentation fournie par ratiopharm au cours de l'examen, n'a pas fait ressortir l'information requise qui était propre au ratio HFA en vue de conclure que les déductions déclarées par ratiopharm dans ses rapports révisés du formulaire 2 ont été engagées particulièrement au titre du ratio HFA ou autrement attribuables aux ventes du ratio HFA. Cette information n'a pas été communiquée à Welch, ni présentée devant le Conseil malgré le témoignage sous serment de Mme Saracino à l'audience des requêtes préliminaires selon lequel ratiopharm fait le suivi et enregistre le paiement des escomptes et des rabais pour chaque produit et selon lequel la documentation propre à chaque produit est conservée par ratiopharm.

100. Au cours de l'examen sur place, en plus de fournir les budgets internes, les prévisions, les estimations et les états financiers vérifiés, ratiopharm a accepté que Welch envoie une lettre à un échantillon de seize pharmacies sélectionnées de concert avec ratiopharm, dans le but d'obtenir une confirmation de tiers au sujet du pourcentage appliqué aux ventes de ratio HFA par rapport aux rabais du PP et du PAR. Cinq réponses ont été reçues. Deux pharmacies ont confirmé le taux moyen utilisé par ratiopharm, deux ont indiqué un taux différent et une réponse constituait un refus de fournir tout renseignement.

101. Longtemps après l'examen sur place ordonné par le Panel, qui a duré environ treize jours du 6 octobre au 30 octobre 2009, et après que les réponses recueillies par Welch ont été déposées comme preuves dans l'affaire le 6 janvier 2010, ratiopharm a produit des exemples de renseignements d'une telle nature qui, selon le témoignage de M. Monk dans l'affaire, auraient été utiles si les renseignements avaient été offerts à Welch au cours du processus d'examen, mais tel n'était pas le cas. Les renseignements comprennent deux ententes de PP propres au produit entre ratiopharm et des pharmacies, deux factures liés au PP propres au produit, un exemple d'un rapprochement des données internes sur des ventes du produit relativement aux rabais et un nombre limité d'exemples de bons de commande et de preuves de paiements liés aux rabais. M. Monk a indiqué dans son témoignage que ce genre de renseignements propres au produit concernant toutes les ventes de ratio HFA est nécessaire afin de répondre aux exigences du Panel dans l'ordonnance d'examen et d'en arriver à une conclusion fiable relativement au lien entre le ratio HFA et les rabais du PP et du PAR.

102. Dans le cadre de l'affaire, Mme Saracino a témoigné, comme elle l'avait fait à l'audience des requêtes préliminaires, que ratiopharm conserve les renseignements propres au produit et la documentation à l'appui des ventes, en plus des rapprochements au titre du paiement de tout montant pour le PP et le PAR, par client et par produit, et que ratiopharm fait le suivi et documente les rabais et les escomptes pour paiement rapide pour chaque produit. Cette information et la documentation n'ont pas été offertes à Welch ni déposées auprès du Conseil, à quelques exceptions près.

103. Le Panel constate que, des sept témoins de ratiopharm qui ont témoigné au cours de l'affaire, aucun n´a déclaré avoir une connaissance directe de l'existence de l'information utilisée pour produire les rapports révisés du formulaire 2 ou de la personne responsable de leur préparation, et cela, malgré le fait que les rapports révisés du formulaire 2 ont été attestés comme exacts et fidèles par un représentant de ratiopharm et que les rapports révisés du formulaire 2 ont été présentés par un représentant de ratiopharm qui a assisté en grande partie à l'affaire, mais n'a pas témoigné, et qui selon M. Major, relève de Mme Saracino. L'absence inexplicable de données ainsi que le défaut de la part d'un témoin de ratiopharm d'expliquer en termes précis les révisions importantes apportées aux renseignements obtenus de ratiopharm concernant l'établissement des prix ont fait en sorte qu'il soit impossible pour le Panel d'évaluer l'intégrité de l'information sur les rabais et, par conséquent, de leur accorder un poids dans cette affaire. Il convient de noter qu'il s'agit d'une question distincte de la question interprétative de savoir si Pfizer écarte la possibilité de tenir compte des rabais. Il s'agit plutôt d'une question de preuve : pour des raisons inconnues, ratiopharm a omis de présenter de l'information crédible sur les rabais, ce qui aurait permis au Conseil de calculer le PTM du ratio HFA, et ce, malgré le fait que le témoin de ratiopharm a juré que ratiopharm possédait de telle information.

c. Le débat

104. M. Monk et M. Andrew Milner, un comptable agréé à Welch, ont reconnu à maintes reprises au cours du contre-interrogatoire par l'avocat de ratiopharm pendant l'affaire qu'il existe des preuves selon lesquelles ratiopharm a versé des montants importants en rabais pour tous les produits qu'elle vend. Ces témoins, par contre, ont soulevé une bonne question quant à savoir s'il existait suffisamment de preuves devant le Panel pour relier ces paiements au ratio HFA lui-même, afin qu'ils puissent être utilisés de façon légitime pour réduire le prix net.

105. M. Monk a donné son avis d'expert en soutenant que, pour appuyer les déclarations de rabais pour les opérations antérieures, à tout le moins, ratiopharm aurait dû fournir les renseignements suivants : une confirmation de tiers relativement aux pourcentages offerts pour le PP et le PAR et à l'information sur le rapprochement des données concernant les ventes du ratio HFA, la documentation sur les modalités de tout paiement par rapport au ratio HFA, et les rapprochements internes entre le paiement de rabais pour le PP et le PAR relativement au ratio HFA. Ce n'est qu'avec ce genre de renseignements exacts propres au ratio HFA que le Conseil, en toute connaissance d'expert, peut calculer exactement le PTM et faire d'autres calculs concernant le prix d'un médicament.

106. M. Ramy Elitzur, professeur en analyse financière, a donné son témoignage d´expert pour le compte de ratiopharm; à son avis, les déductions déclarées par ratiopharm au titre du ratio HFA et la documentation utilisée par ratiopharm pour les calculer sont raisonnables dans les circonstances. Du point de vue de la comptabilité de gestion, le test devrait cerner s'il est raisonnable d'attribuer les rabais déclarés au ratio HFA dans le contexte des réalités opérationnelles de ratiopharm. Il suffit, à son avis, que les dépenses soient enregistrées avec précision par ratiopharm dans ses registres comptables et compris dans les états financiers vérifiés. Il a émis son avis qu'il est raisonnable de calculer les indemnités professionnelles pour le ratio HFA en fonction de la moyenne des indemnités professionnelles qui sont versées pour tous les produits.

107. M. Elitzur a dit que la comptabilité de gestion suit des lignes directrices et des facteurs particuliers dont il faut tenir compte, non seulement des normes de comptabilité financière et de vérification et des procédures de contrôle efficaces, mais aussi certains critères comme les réalités du monde des affaires et la pertinence d'une situation dans un contexte particulier. Toutefois, il ne voulait pas relier son analyse à un contexte réglementaire ou déterminer si les renseignements utiles aux fins commerciales, à la comptabilité interne de gestion et à la prise de décisions suffiraient nécessairement pour vérifier la conformité aux exigences réglementaires. Il a indiqué que cela ne faisait pas partie du mandat qui lui avait été conféré, même si les questions sur lesquelles ratiopharm avait demandé son avis comprenaient une demande de présenter des commentaires sur [Traduction] « l'affaire entre ratiopharm et le CEPMB relative au ratio-Salbutamol HFA ».

108. M. Scott Davidson, comptable agréé et spécialiste en juricomptabilité, et M. Larry Andrade, comptable agréé, tous les deux employés à Cole Partners, ont formulé des observations sur le rapport présenté par Welch à la suite de l'examen sur place et ont témoigné pour le compte de ratiopharm en concordance avec le témoignage du professeur Elitzur en ce qui concerne le caractère adéquat de la documentation à l'appui fournie par ratiopharm par rapport aux rabais. Ils étaient d'avis qu'en l'absence de normes, de lignes directrices et de politiques établies par le Conseil dans les Lignes directrices, le Guide ou ailleurs, un test « qu'il est raisonnable d'attribuer » suffit en ce qui concerne les renseignements et la documentation à l'appui des rabais déclarés conformément au Règlement. Ils ont admis que leurs preuves étaient préparées sans vérification indépendante de l'exactitude des renseignements que ratiopharm leur a fournis.

d. Conclusion

109. L'alinéa 80(1)b) de la Loi précise quels renseignements doivent être fournis au Conseil par un breveté d'un médicament, conformément au Règlement, relativement au prix auquel le médicament est ou a été vendu sur le marché au Canada. Aux fins de l'alinéa 80(1)b), les renseignements exigés en application du sous alinéa 4(1)f)(i) du Règlement sont le prix moyen du médicament et les recettes nettes dérivées des ventes du médicament et, conformément à l'alinéa 4(4)a), les rabais accordés au médicament en question doivent entrer en ligne de compte (on dit expressément « le » médicament).

110. Dans les motifs de sa décision menant à l'ordonnance d'examen, au paragraphe 29 de la décision PMPRB-08-D2-ratio-Salbutamol HFA – Preliminary Motions (le 22 mai 2009), le Panel a souligné qu'il incombe à la partie assujettie à un règlement d'application permanent de fournir, tel que l'exige l'organisme de réglementation dans l'exercice légitime de sa compétence, les renseignements nécessaires à cette fin dans une forme convenable. Au paragraphe 30, le Panel a conclu que les renseignements exigés dans l'ordonnance d'examen sont nécessaires afin de prendre une décision éclairée dans l'affaire devant lui et en fonction des circonstances relatives à l'affaire. Ces circonstances comprennent une augmentation très importante du prix catalogue de ratio HFA par ratiopharm en 2004, l'ampleur des révisions en 2009 des rapports révisés du formulaire 2 pour le ratio HFA pendant un certain nombre d'années, la taille et la nature des rabais déduits de ces recettes brutes au titre de ratio HFA pendant de nombreuses années et l´impossibilité de vérifier, en ce qui concerne le ratio HFA, les renseignements de ratiopharm sur l'établissement des prix et des coûts au moyen de sources externes.

111. Le Panel est toujours d'avis qu'un breveté, en ce qui concerne le rapport sur le prix moyen auquel le médicament breveté est ou a été vendu, ou sur les recettes nettes dérivées de sa vente, doit produire de la documentation à l'appui de tout rabais déclaré pour le médicament et qu'elle est liée de façon claire, directe et vérifiable au médicament en question. Le Panel conclut, selon les rapports du formulaire 2 et les preuves qui lui ont été présentées dans l'affaire, que ratiopharm n'a pas respecté cette exigence relativement à la vente de ratio HFA, malgré un témoignage sous serment qu'il possède ces preuves, et la délivrance d'une ordonnance par le Panel lui sommant de les produire. Tout au long de l'affaire, ratiopharm a omis de répondre aux demandes répétées du personnel du Conseil et des membres du Panel, même durant l'audience, de fournir les renseignements qui permettraient au Panel de rendre une décision sur la question des prix en l'espèce. ratiopharm avait un certain nombre d'occasions de fournir les preuves que son représentant jurait qu'il avait en ce qui concerne les déclarations de rabais initiales et ensuite considérablement révisées, mais ratiopharm a omis de le faire.

112. Le Panel a conclu qu'il ne pouvait pas, dans les circonstances, tenir compte des rabais déclarés par ratiopharm au titre des ventes de ratio HFA afin de déterminer le prix auquel ratiopharm a vendu le ratio HFA pour les périodes en question et si le prix du médicament particulier était excessif, ce qui est contraire à la Loi.

113. Cette conclusion correspond non seulement aux dispositions de la Loi et du Règlement, aux exigences en matière de rapports pour la réalisation du mandat du Conseil en vertu des articles 83 et 85 de la Loi et aux réalités raisonnables d'un environnement réglementaire, mais aussi, comme l'a témoigné Mme Tognet, au genre de renseignements à l'appui des déductions déclarées par les brevetés dans d'autres affaires portées devant le Conseil.

114. Le paragraphe 4(4) du Règlement exige que le Conseil détermine le prix réel d'un médicament après les déductions ou les rabais établis dans ce paragraphe. Les brevetés ont par conséquent l'obligation de tenir les registres exigés afin de justifier les déductions et les rabais attribuables à ce médicament et de les présenter au Conseil. Un panel du Conseil doit déterminer le caractère adéquat de cette documentation aux fins de l'application du paragraphe 4(4) et a le pouvoir discrétionnaire de ne pas tenir compte des rabais qui ne sont pas, à son avis, suffisamment justifiés selon les preuves qui lui ont été présentées.

e. L'applicabilité du jugement Pfizer

115. Le personnel du Conseil et ratiopharm ont tous deux soulevé l'applicabilité du jugement Pfizer à la question des rabais, des escomptes, des remboursements et des autres déductions dont le Panel doit tenir compte conformément à l'alinéa 4(4)a) du Règlement au moment de calculer le prix moyen du ratio HFA.

116. La question en cause dans le jugement Pfizer était un communiqué aux intervenants émis par le Conseil le 18 août 2008 (le « communiqué »). Le communiqué obligeait les brevetés à inclure dès lors, dans leurs rapports sur le prix net d'un médicament breveté présentés conformément au sous-alinéa 4(1)f)(i) et à l'alinéa 4(4)(a) du Règlement, l'ensemble des rabais, des escomptes, des remboursements et d'autres déductions, y compris les paiements effectués à une province en vertu de l'engagement de la province à inscrire le médicament sur son formulaire au prix précisé.

117. Dans le jugement Pfizer, les demandeurs sollicitaient un contrôle judiciaire du communiqué au motif que la compétence du Conseil se limitait à l'examen des prix associés aux ventes des médicaments brevetés au départ de l'usine et qu´elle ne s'appliquait pas aux opérations concernant des tiers qui pouvaient avoir lieu en aval dans la chaîne d'approvisionnement.

118. Dans le jugement Pfizer, la juge Mactavish a estimé que le Conseil n'avait pas la compétence nécessaire pour appliquer l'exigence selon laquelle, conformément au sous alinéa 4(1)f)(i) et au paragraphe 4(4) du Règlement, les brevetés incluent, dans les rapports sur les prix nets de leurs médicaments brevetés, les paiements effectués à une province relativement à ces médicaments, au motif que de tels paiements sont effectués à des tiers.

119. Depuis l'émission du jugement Pfizer, l'interprétation de la portée de la décision au-delà de la question précise soulevée dans le cadre de l'instance de la révision judiciaire a posé des difficultés importantes au Conseil et aux brevetés.

120. Selon le point de vue du personnel du Conseil, on utilise dans le jugement Pfizer un libellé général qui a pour conséquence d'exclure la prise en compte des paiements effectués par des brevetés à des tiers qui ne sont pas, selon la formulation du jugement Pfizer, des clients des brevetés tel qu'il est envisagé au sous-alinéa 4(1)f)(i) du Règlement, aux fins de l'établissement du prix net auquel un médicament breveté est vendu ou a été vendu. Ceci aurait pour effet d'exclure du PTM du ratio HFA, sur le plan du droit, tous les rabais déclarés par ratiopharm. Le Panel convient que cette interprétation de la décision est justifiée. Les paragraphes initiaux du jugement Pfizer et l'ordonnance prévoient que le sous-alinéa 4(1)f)(i) et l'alinéa 4(4)a) du Règlement n'autorisent pas le Conseil à exiger la présentation de rapports sur les rabais ou les paiements effectués à des tiers par les fabricants de médicaments brevetés. On déclare qu'il s'agit de la question qui est au cœur du jugement. Même si la question avait été formulée de façon plus précise, la justification sous jacente de la juge Mactavish en vue d'exclure les paiements aux provinces repose sur une interprétation des lois qui respecte le droit commercial s'appliquant à la vente de produits et dépend alors de la limitation de la portée des rapports sur le lien de droit entre un acheteur et un vendeur. Étant donné la justification donnée dans le jugement Pfizer, qui est fondée sur le sens technique de « client » selon le droit privé, il est difficile d'appliquer le jugement Pfizer afin d'exclure les paiements de tiers à une partie publique comme le gouvernement tout en faisant abstraction de l'applicabilité du jugement Pfizer dans la chaîne de distribution privée, qui relèverait entièrement de la vente de produits au détail conventionnelle.

121. Toutefois, du point de vue de ratiopharm, le jugement Pfizer peut être interprété de façon plus étroite. Ce point de vue est également justifié. Tel qu'il a été indiqué, dans le jugement Pfizer, la question en cause était de savoir si les paiements effectués aux provinces en vertu d'accords de limitation des dépenses liés au prix des médicaments brevetés doivent faire l'objet d'un rapport en vertu du sous-alinéa 4(1)f)(ii) et du paragraphe 4(4) du Règlement. Qui plus est, dans le jugement Pfizer, la juge Mactavish a soutenu le jugement Leo Pharma. Dans le jugement Leo Pharma, la Cour avait décidé que la distribution gratuite d'un médicament breveté par un breveté à des médecins pour les patients de ceux-ci doit être prise en compte, conformément au Règlement, au moment d'établir le prix net moyen d'un médicament. L'appui du jugement Leo Pharma n'est pas compatible avec l'exclusion élargie de toutes les opérations de tiers dans le calcul du prix net d´un médicament.

122. Il convient également de noter que ratiopharm a présenté un autre argument, entre parenthèses, à l'effet que le jugement Pfizer peut être interprété comme accordant aux brevetés le pouvoir discrétionnaire d'inclure ou d'exclure les paiements effectués aux tiers. Toutefois, on n'a pas beaucoup insisté sur cet argument et le Panel le rejette pour les motifs énoncés ci-dessous.

123. Depuis le jugement Pfizer, la Cour suprême du Canada a donné au Conseil d'autres précisions sur les affaires qui nécessitent une interprétation des lois. Le jugement Celgene a soutenu la décision du Conseil de rejeter la définition technique des mots « vendu » et « vend » de la Loi sur les brevets selon le droit commercial lorsque le nécessitent l'objet et l'historique législatif de la Loi et le mandat de protection du consommateur du Conseil qui est reconnu par les tribunaux. Qui plus est, dans le jugement Celgene, la Cour suprême a déclaré que, lorsque le Conseil interprète sa loi habilitante, on doit faire preuve de retenue à l'égard de la décision du Conseil et ne l'infirmer que si elle est déraisonnable.

124. Dans le jugement Pfizer, la Cour avait été saisie d'une décision du Conseil exécutif et détenait donc peu de registres et aucune preuve documentaire ou argumentative détaillée tel qu'il est normalement dégagé dans une audience portant sur les opérations courantes de l'industrie pharmaceutique dans le cadre de la distribution de médicaments brevetés. Dans le cadre de ses impératifs commerciaux, l'industrie pharmaceutique est exploitée à l'aide de la prestation de rabais et d'autres paiements dans une chaîne de distribution. Le Conseil doit prendre en considération de tels impératifs commerciaux au moment d'examiner le prix de vente réel de médicaments brevetés sur le marché canadien, conformément à son mandat statutaire, afin de mettre en pratique le paragraphe 4(4) du Règlement, qui demeure en vigueur.

125. Se fondant sur les objectifs de protection du consommateur de son mandat, le Panel est d'avis que s'il était appelé à le faire, il conclurait que l'interprétation du sous-alinéa 4(1)f)(i) et de l'alinéa 4(4)a) du Règlement qui est établie dans le communiqué est appropriée, à l'exception, étant donné le jugement Pfizer, qui lie le Conseil, des paiements qui étaient en cause dans le jugement Pfizer, c.-à-d. les paiements aux provinces. Dans ce cas, si le Panel avait conclu que les renseignements sur le prix du ratio HFA qui avaient été présentés étaient essentiellement suffisants et plausibles, il aurait pu déduire en tant que rabais les paiements effectués par ratiopharm. Cependant, étant donné la conclusion du Panel concernant l'insuffisance de la preuve fournie dans la présente affaire et du fait qu'il n'est donc pas approprié pour lui de tenir compte des rabais dans ses constatations dans les circonstances des ventes de ratio HFA par ratiopharm, le Panel n'a finalement pas besoin d'évaluer la portée du jugement Pfizer en ce moment.

V. Quelle est, s'il y a lieu, l'ordonnance que devrait rendre le Panel concernant les ventes du ratio HFA par ratiopharm au Canada.

126. Le Panel est convaincu que la preuve et les arguments des parties ont établi que les Lignes directrices du Conseil prévoient une exécution appropriée du paragraphe 85(1) de la Loi dans la présente affaire; de ce fait, le Panel est d'avis que les recettes excessives tirées des ventes du ratio HFA devraient être calculées en fonction des tests prévus dans les Lignes directrices du Conseil, lesquels indiquent que ratiopharm avait vendu le ratio HFA à un prix excessif entre l'augmentation du prix du médicament en 2004 et la fin des ventes en 2010. Plus particulièrement, le Panel conclut que les recettes excessives devraient être calculées au moyen de la méthode de calcul en fonction de l'IPC à la suite de l´établissement d'un prix MNE pour le ratio HFA au moment de son lancement sur le marché, en 2002.

127. Le Panel a tiré cette conclusion après avoir entendu la preuve selon laquelle, même en utilisant les divers tests appliqués aux prix des médicaments contenus dans les Lignes directrices de façon indépendante des rajustements de l'IPC tout au long de la période de 2002 à 2008, il existait une preuve concluante établissant que le prix du ratio HFA était excessif aux termes du paragraphe 85(1) de la Loi pendant cette période.

128. En vertu du paragraphe 85(1) de la Loi, le prix d'un médicament peut être excessif de deux façons distinctes : (i) par rapport aux prix des médicaments de comparaison; et (ii) par rapport au prix de ce médicament dans des périodes antérieures. Les Lignes directrices du Conseil visent le facteur stipulé à l'alinéa 85(1)a), le prix d'un médicament au Canada, et tiennent compte de ce prix par rapport aux deux facteurs de comparaison stipulés aux alinéas 85(1)b) et c), soit les prix des médicaments de comparaison canadiens et les prix internationaux du médicament en soi, ainsi que par rapport au facteur temps indiqué à l'alinéa 85(1)d), soit les fluctuations de l'IPC pendant la période où le médicament est offert sur le marché canadien. La version des Lignes directrices qui était en vigueur dans les périodes pertinentes n'avait pas tenu compte des tests fondés sur les prix internationaux des médicaments de comparaison, mais un panel du Conseil, au cours d'une audience en révision, tiendra compte de ce facteur au moment de déterminer si le prix du médicament est ou a été excessif, comme cela s'est fait dans la présente affaire.

129. Les Lignes directrices regroupent les trois facteurs en vertu desquels le paragraphe 85(1) de la Loi oblige le Conseil à évaluer le prix d'un médicament vendu au Canada (i) en établissant le prix non excessif initial d'un médicament par rapport au prix des médicaments comparables; et (ii) en établissant le prix non excessif du médicament dans les périodes ultérieures par rapport aux augmentations de l'IPC. En conséquence, l'application des Lignes directrices permet de prendre en compte et d'évaluer tous les facteurs énumérés au paragraphe 85(1) au cours de l'analyse de la question de savoir si le prix du ratio HFA a été excessif. Dans ce cas, le personnel du Conseil a également pris l'initiative de vérifier les résultats tirés en vertu des Lignes directrices selon les augmentations de l'IPC suite aux tests de comparaison initiaux, au moyen de l'application de tests supplémentaires au prix du ratio HFA tout au long de la période au cours de laquelle il a été vendu au Canada, en se servant de tous les facteurs de comparaison établis au paragraphe 85(1) de façon itérative pour toutes les périodes de rapport.

130. Le Panel ordonne donc, conformément à l'alinéa 83(2)c) de la Loi, que le prix MNE du ratio HFA vendu par ratiopharm pour la période de septembre 2002 à janvier 2010, ainsi que le montant versé par ratiopharm à la Couronne relativement aux recettes excessives tirées de telles ventes, soient déterminés en fonction de la présente décision, et ce, selon le prix MNE du ratio HFA au moment de son lancement, tel qu'il avait été rajusté en fonction de l'IPC conformément à la méthode établie dans les Lignes directrices du Conseil, mais sans tenir compte de toute réduction du PTM du ratio HFA relativement à des rabais, qu'il s'agisse de paiements rapides, de retours ou de paiements relatifs au PP ou au PAR. Le Panel exige du Conseil qu'il lui présente, dans les 30 jours suivant l'émission de cette décision, au plus tard le 27 juin 2011, une ordonnance provisoire exécutant la présente décision.

Membres du Conseil : Dr Brien Benoit, Anne Warner La Forest

Conseillers juridiques du Conseil : Gordon Cameron, Andrée Wylie

Comparutions

Pour le personnel du Conseil : David Wilson, conseiller juridique, Leslie Milton, conseiller juridique, Marisa Victor, conseiller juridique

Pour l'intimée : Gavin MacKenzie, conseiller juridique, Benoit Duchesne, conseiller juridique, Judith Parisien, conseiller juridique

Sylvie Dupont
Directrice, Secrétariat du Conseil

Date de modification :