Décision : PMPRB-07-D1-QUADRACEL et PENTACEL Demande d'autorisation d'intervenir déposée par GlaxoSmithKline Inc.

DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur les brevets, S.R.C. 1985, c. P-4, dans sa version modifiée
ET DANS L'AFFAIRE DE sanofi pasteur Limitée (l'« intimée » et ses médicaments « Quadracel et Pentacel »

Introduction

1. La présente affaire porte sur les prix auxquels sanofi-pasteur Limitée («sanofi pasteur») vend ses médicaments Quadracel et Pentacel (les « médicaments »), deux vaccins indiqués pour la primovaccination des nourrissons contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche ,la poliomyélite et l'haemophilus influenzae de type b.

2. Selon l'énoncé des allégations présenté par le personnel du Conseil dans la présente affaire, sanofi pasteur a urait entre 2002-2006 vendu ses médicaments à des prix excessifs et pratiqué une politique de prix excessifs.

3. GlaxoSmithKline Inc. (« GSK ») a déposé une demande d'autorisation d'intervenir dans la présente affaire. Suite au dépôt de la demande de GSK, sanofi pasteur a soumis ses arguments opposant une telle requête. GSK a répondu aux arguments de sanofi pasteur.

Positions des parties

4. GSK affirme être le seul autre fournisseur de vaccins quadravalents et pentavalents au Canada. GSK se dit ainsi directement intéressé par les « irrégularités » des prix des médicaments offerts sur le marché canadien par sanofi pasteur.

5. Considérant son expérience et son expertise dans ce marché dit exclusif pour ces deux vaccins, GSK prétend pouvoir fournir au Conseil des renseignements pertinents concernant ce marché, la façon dont il a été jusqu'ici servi par sanofi pasteur et par GSK, et soumettre au Conseil l'ordonnance qu'il devrait rendre s'il arrivait à la conclusion que sanofi pasteur a vendu ses deux médicaments à des prix excessifs.

6. Dans sa réplique à la réponse donnée par sanofi pasteur , GSK a invité le Conseil à conclure que, dans l'exercice de son mandat de protection des intérêts des consommateurs, il doit s'assurer que ses décisions ne dissuadent pas la concurrence sur le marché. GSK a fait valoir qu'il pouvait exister un lien entre les prix présumés excessifs auxquels sanofi pasteur a vendu ses médicaments entre 2002 et 2006 et le prix que sanofi pasteur a soumissionné pour un marché de vaccins pour l'année 2007 et suivantes et que ce lien peut impliquer une conduite monopolistique de la part de sanofi pasteur.

7. sanofi pasteur a pour sa part fait valoir que GSK n'a pas démontré un intérêt légitime dans l'instance ni que sa contribution serait utile pour le Conseil. Selon sanofi pasteur, son compétiteur sur le marché des deux vaccins revendique le statut d'intervenant dans la présente affaire avec l'objectif d'en tirer un avantage concurrentiel ou, encore, de lui faire subir un désavantage concurrentiel.

Analyse générale

8. La règle 19 de nos Règles de procédure (proposées) prévoit que le Conseil peut autoriser une partie à intervenir dans une affaire lorsque celle-ci y est directement intéressée.

Une audience sur le prix excessif d'un médicament est l'aboutissement d'un différend entre le personnel du Conseil et un breveté à savoir si ce dernier vend ou a vendu son médicament à un prix excessif. Parfois, les questions de compétence sont aussi soulevées au cours d'une audience sur le prix excessif d'un médicament.

9. Dans le cadre d'une audience sur le prix excessif, le Conseil détermine le prix maximum considéré non excessif du médicament et vérifie si le breveté vend ou a vendu son médicament à un prix supérieur au prix maximum non excessif. S'il arrive à la conclusion que le breveté vend ou a vendu son médicament à un prix excessif, le Conseil peut obliger le breveté à prendre les mesures qu'il lui dicte pour rembourser la portion excessive des recettes qu'il a tirées de la vente de son médicament à un prix excessif sous forme, par exemple, d'un paiement fait au Trésor ou d'une réduction du prix du médicament.

10. Dans une audience sur le prix excessif, le personnel du Conseil est appelé à déterminer si le prix du médicament est ou a été supérieur au prix autorisé en vertu de ses Lignes directrices sur les prix excessifs, si les Lignes directrices assurent une juste application des dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets et si le Conseil est habilité à juger l'affaire lorsque sa compétence est contestée. Le breveté a un intérêt indéniable dans l'affaire et a le droit de faire des représentations dans le but d'infirmer les allégations du personnel du Conseil.

11. L'article 86(2) de la Loi sur les brevets prévoit que les ministres fédéral et provinciaux de la Santé doivent être avisés de la tenue d'une audience sur le prix excessif d'un médicament et leur donne la possibilité d'y intervenir.

12. D'une façon générale et conformément à la pratique habituelle , le Conseil
s'attend à ce que les autres parties intéressées dans une audience du Conseil, au sens qu'en donne la règle 19, appartienne nt à une des trois catégories suivantes :

1. Personne qui, d'une manière ou d'une autre, assumera en partie ou en totalité le coût du médicament sous examen ou, encore, le coût d'autres médicaments dans un contexte où les prix de ces médicaments augmenteraient suite à la décision rendu
2. Brevetés dont les prix maximum non excessifs de leurs médicaments seront touchés par la décision rendue ou, encore, par l'établissement d'un point de principe concernant le prix considéré non excessif des médicaments assujettis à la compétence du Conseil, ou
3. Organismes représentant des personnes s'inscrivant dans l'une ou dans l'autre des deux catégories susmentionnées.

13. Lorsque l'intervenant proposé n'a pas un intérêt direct et important par rapport au résultat de l'affaire, le Conseil exigera aussi qu'il démontre qu'il est en mesure de fournir dans l'instance certains éléments de preuve que le Conseil pourrait considérer particulièrement utiles ou, encore, qui sont susceptibles d'éclairer la preuve et les allégations invoquées par le personnel du Conseil, le titulaire du brevet en question ou toute autre personne ayant obtenu le statut d'intervenant.

14. Il importe de préciser que le personnel du Conseil représente habituellement les intérêts des personnes qui assument les coûts des médicaments sous examen alors que les brevetés défendent leurs propres intérêts ainsi que les intérêts d'autres parties ou d'autres médicaments que celui sous examen. Le Conseil est tout à fait conscient de l'incidence que peuvent avoir ses décisions sur des personnes autres que celles qui comparaissent devant lui et tente dans toute la mesure du possible de tenir compte de leurs intérêts et ce, qu'elles soient ou non représentées indépendamment dans une affaire.

16. Aucun de ces facteurs n'a pour objet de prive r les personnes compétentes de leur droit d'intervenir dans les audiences du Conseil ni de minimiser l'importance du rôle qu'elles peuvent y jouer. Toutefois, ces facteurs et l'obligation imposée au Conseil, en vertu du paragraphe 97(1) de la Loi sur les brevets, de tenir ses audiences dans les meilleurs délais possibles dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, ont une incidence sur le pouvoir discrétionnaire qu'exercera le Conseil au moment du décider si la personne constitue ou non un intervenant approprié dans une instance.

Jurisprudence

17. sanofi pasteur a étayé sa demande sur différents cas où la Cour fédérale s'est prononcée d'une façon relativement restrictive concernant les circonstances où des personnes peuvent être autorisées à intervenir, plus particulièrement dans des demandes de révision judiciaire.

Selon GSK, cette jurisprudence relève davantage de procédures qui constituaient des «litiges privés» ou des «litiges entre parties privées» et que, par conséquent, elle ne s'applique pas aux audiences du Conseil. De l'avis du panel d'audience, les demandes de révision judiciaire des décisions du tribunal ou de la conduite ministérielle dans les Cours fédérales constituent des litiges privés. Il fonde cette position sur l'analyse faite du statut d'intervenant dans cette jurisprudence.

18. Par ailleurs, le Conseil prend également note des cas cités par GSK selon lesquels l'intervention dans une audience d'un tribunal peut avoir une portée plus vaste que dans un procès. Le Conseil reconnaît qu'il en est ainsi pour une audience du Conseil considérant la nature polycentrique des intérêts pris en compte dans une audience sur le prix excessif d'un médicament.

Demande de statut d'intervenant soumise par GSK

19. Le panel d'audience considère que GSK n'a pas réussi à démontrer que son intérêt vis-à-vis le résultat de l'audience justifie son admission à titre d'intervenant. Le panel est également arrivé à la conclusion que GSK n'aurait pas pu éclairer le Conseil en ce qui concerne les points de litige soulevés dans l'audience en lui fournissant des éléments de preuve ou d'information qui ne sont habituellement pas fournis par les parties dans l'affaire.

20. Le panel n'est pas non plus d'avis que le Conseil est habilité à considérer si le prix d'un médicament assujetti à sa compétence a été ou sera, pour des fins de concurrence, fixé par le breveté à un niveau qui est abusivement élevé ou peu élevé par rapport au prix d'un médicament concurrent au médicament sous examen sur le même marché ni qu'il est habilité à vérifier la légitimité de la stratégie de concurrence d'un breveté par rapport à un autre. La Loi sur les brevets et les Lignes directrices sur les prix excessifs s'intéressent aux prix des médicaments brevetés aux seules fins de s'assurer qu'ils ne sont pas excessifs. Le Conseil n'est pas investi du mandat de fixer le prix maximal auquel un médicament peut être vendu ni d'imposer des mesures correctrices contre les brevetés de manière à favoriser la concurrence. Le Conseil n'est pas non plus habilité à vérifier si les prix des médicaments sont ou ont été non équitables sous l'angle de la saine concurrence.

21. Le panel est arrivé à la présente décision sans considérer les arguments de sanofi pasteur concernant les motifs de la requête de GSK dans la présente affaire. Le seul fait que GSK soit un concurrent de sanofi pasteur et que la reconnaissance d'un statut d'intervenant lui permettrait de défendre ses propres intérêts ne rend pas GSK inadmissible au statut d'intervenant dans la présente affaire. L'intervention de Janssen- Ortho dans l'affaire concernant Shire BioChem et de son médicament Adderall XR constitue un exemple d'un fabricant concurrent qui a démontré son intérêt dans une affaire justifiant le statut d'intervenant. Les prix maximum non excessifs des deux médicaments se livrant concurrence sur le marché étaient d'une certaine façon logiquement liés. Toutefois, en ce qui concerne GSK, le Conseil ne constate aucun intérêt similaire ou analogue dans l'instance.

Conclusion

22. Pour les motifs susmentionnés, la requête de GSK visant à obtenir le statut d'intervenant dans la présente instance est rejetée.

Membres du Conseil : Dr Brien G. Benoit
Anne Warner La Forest
Anthony Boardman

Conseiller juridique du Conseil : Gordon Cameron

Sylvie Dupont
Secrétaire du Conseil

26 juillet 2007

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