Le 31 janvier 2011 Décision : CEPMB-07-D2-PENLAC

DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), c. P-4, dans sa version modifiée ET DANS L'AFFAIRE DE sanofi-aventis Canada Inc. (l'« intimée ») et de son médicament « vernis à ongles Penlac »

Introduction

1. Les présents motifs de décision concernent les allégations faites par le personnel du Conseil selon lesquelles le médicament breveté Penlac a été vendu par l'intimée sanofi-aventis Canada Inc. (« sanofi-aventis ») à un prix excessif, au sens du terme dans la Loi sur les brevets (la « Loi »). Ces allégations ont fait l'objet d'une audience devant un panel du Conseil (le « Panel »), au cours de laquelle certains ont fourni des preuves et un nombre important d'éléments de preuve d'experts ont été présentés et soutenus lors d'un contre-interrogatoire. Le Panel a entendu des preuves pendant sept jours et des observations finales verbales pendant deux jours, et a reçu les observations finales par écrit.

Aperçu : Enjeux et positions des parties

2. Le Penlac est un vernis à ongles qui est appliqué sur les ongles des doigts et des orteils dans le cadre d'un programme de traitement d'une infection fongique des ongles, appelée onychomycose, causée par le champignon Trichophyton rubrum, retrouvé chez environ 5 à 10 % de la population. L'onychomycose entraîne la défiguration de la forme de l'ongle. Le Penlac est indiqué pour les cas légers et modérés d'onychomycose chez les patients dont l'infection n'a pas atteint la lunule de l'ongle.

3. Santé Canada a approuvé trois médicaments pour le traitement de l'onychomycose légère à modérée, à savoir le vernis topique Penlac (ciclosporox) et les médicaments oraux systémiques Lamisil (chloryhdrate de terbinafine) et Sporanox (itraconazole).

4. Le Penlac a été introduit sur le marché canadien en juillet 2004 par Dermik Laboratories Canada Inc. (« Dermik »). À la suite d'une fusion d'entreprises en 2006, sanofi-aventis est l'entité sociale actuelle responsable des revenus excessifs potentiels qu'elle aurait pu toucher entre juillet 2004 et le 18 avril 2008, date à laquelle le brevet lié au Penlac est arrivé à échéance. Dans les présents motifs, toute référence à sanofi-aventis devrait être considérée comme faisant référence, le cas échéant, à l'entité sociale précédente, Dermik.

5. Lors de l'audience, un nombre important d'éléments de preuve a été déposé par un groupe impressionnant d'experts et de témoins ordinaires, et certaines questions complexes ont été soulevées en évoquant le paragraphe 85(1) de la Loi, qui prévoit les facteurs de fixation des prix dont le Conseil doit tenir compte lorsqu'il est appelé à déterminer si un médicament est ou a été vendu à un prix excessif :

85. (1) Pour décider si le prix d'un médicament vendu sur un marché canadien est excessif, le Conseil tient compte des facteurs suivant, dans la mesure où des renseignements sur ces facteurs lui sont disponibles :
(a) le prix de vente du médicament sur un tel marché;
(b) les prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché;
(c) le prix de vente du médicament et d'autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l'étranger;
(d) les variations de l'indice des prix à la consommation;
(e) tous les autres facteurs précisés dans les règlements d´application du présent paragraphe.

6. Le paragraphe 85(1) sera pris en compte de façon plus complète plus loin dans les présents motifs, mais de toute évidence l'alinéa (b) du paragraphe 85(1) de la Loi oblige le Conseil à prendre en compte le prix des autres médicaments « de la même catégorie thérapeutique » que celui du médicament à l'étude. En vertu de l'alinéa (c) du paragraphe 85(1), le Conseil doit prendre en compte le prix de vente du médicament « à l'étranger » (souvent appelé prix internationaux du médicament). Ces deux dispositions et l'interaction entre celles-ci ont donné lieu à un débat entre les parties. L'alinéa (a) du paragraphe 85(1) (établissant le prix de vente auquel le Penlac était vendu au Canada) et l'alinéa (d) du paragraphe 85(1) (variations de l'indice des prix à la consommation ou « IPC ») étaient possiblement pertinents, mais ne faisaient pas l'objet de litige.

7. Le Conseil a élaboré des Lignes directrices sur les prix excessifs non exécutoires (les « Lignes directrices », dont il sera question plus à fond plus loin) pour mettre en œuvre les dispositions de la Loi et plus particulièrement, comme les Lignes directrices sont liées à la présente instance, d'appliquer le paragraphe 85(1) de la Loi. Les Lignes directrices prévoient plusieurs tests permettant au personnel du Conseil et aux titulaires de brevet de déterminer le prix maximum auquel un médicament donné ne sera pas considéré comme excessif – le « prix maximum non excessif » (le prix « MNE »).

8. Quant au prix des médicaments de la même catégorie thérapeutique que le médicament à l'étude, les Lignes directrices appliquent l'alinéa (b) du paragraphe 85(1) de la Loi en stipulant que le prix MNE d'un médicament assujetti à un examen est égal ou inférieur au prix du médicament au prix le plus élevé de la même catégorie thérapeutique. Il s'agit de la comparaison selon la catégorie thérapeutique.

9. Pour ce qui est de l'établissement des prix internationaux du médicament, les Lignes directrices appliquent l'alinéa (c) du paragraphe 85(1) de la Loi de plusieurs façons, y compris (comme cela était pertinent dans la présente instance) en stipulant que le prix d'un médicament au Canada sera supposé comme n'étant pas excessif si son prix au Canada n'est pas supérieur au prix médian du médicament dans les pays indiqués dans le Règlement sur les médicaments brevetés (le « Règlement »). C'est ce que l'on appelle la comparaison du prix international médian.

10. S'il n'y a aucun médicament dans la même catégorie thérapeutique que le médicament à l'étude, les Lignes directrices appliquent la comparaison du prix international médian.

11. Ainsi, on peut observer que, en déterminant le prix MNE d'un médicament, il peut être important d'établir les autres médicaments, le cas échéant, qui sont de la même catégorie thérapeutique que le médicament à l'étude. Le personnel du Conseil et sanofi-aventis ont convenu que la « question préjudicielle » dans la présente instance était si le Penlac pouvait être placé dans une catégorie thérapeutique avec le Lamisil et le Sporanox. Voici, en résumé, les positions des parties :

a. sanofi-Aventis a soutenu que, aux fins de la comparaison des prix, le Penlac appartient à la même catégorie thérapeutique que le Lamisil et le Sporanox. Durant la période pertinente, le Lamisil et le Sporanox étaient plus chers que le Penlac. De même, si le Panel devait être d'accord avec sanofi-aventis, le Penlac n'aurait pas été dans la catégorie de médicament ayant le prix le plus élevé de cette catégorie thérapeutique et ainsi, selon les Lignes directrices, on aurait pu présumer que son prix n'était pas excessif à n'importe quel moment entre son lancement sur le marché canadien et l'expiration du brevet connexe. sanofi-aventis ne serait pas assujettie à un recours en rapport aux revenus excessifs allégués par le personnel du Conseil. À l'inverse, sanofi-aventis a demandé pour le même résultat si le Penlac ne devrait pas être considéré comme étant dans la même catégorie thérapeutique que le Lamisil et le Sporanox. L'argument en termes génériques est que les Lignes directrices du Conseil ne devraient pas être appliquées pour l'établissement du prix du Penlac et que toute autre considération pertinente indique que le Penlac n'avait pas été vendu à un prix excessif;

b. Le personnel du Conseil a fait valoir qu'aucun autre médicament n´était comparable au Penlac, et ainsi, aucun autre médicament n'était dans la même catégorie thérapeutique que le Penlac. Par conséquent, le personnel du Conseil a fait valoir que l'on devrait utiliser la comparaison du prix international médian indiquée dans les Lignes directrices du Conseil. Le prix du Penlac, qui a été vendu au Canada à un prix relativement supérieur au prix international médian, était excessif. Si le Panel devait partager l'avis du personnel du Conseil, sanofi-aventis serait exposée à une ordonnance corrective imposée par le Conseil relativement aux revenus excessifs.

12. Pour ce qui est d'évaluer la question de savoir si le Penlac appartient à la même catégorie thérapeutique, les principales différences entre les positions de sanofi-aventis et du personnel du Conseil étaient : (1) si « l'équivalence clinique » était le critère approprié pour la détermination de la catégorie thérapeutique aux fins de la comparaison du prix en vertu de la Loi; et le cas échéant (2) quels étaient les bons indices de preuve clinique; et (3) si les données démontrent que le Penlac était équivalent sur le plan clinique au Lamisil et au Sporanox, de façon à justifier l'inclusion du Penlac dans la même catégorie thérapeutique que ces médicaments.

13. Tel qu'il est indiqué, le Penlac est un médicament topique, alors que le Lamisil et le Sporanox sont des médicaments systémiques. Le personnel du Conseil a fait valoir que, dans ce cas particulier, cette différence n'empêchait les trois médicaments d'être possiblement dans la même catégorie thérapeutique, pourvu qu'ils soient équivalents sur le plan clinique. Le Panel indique que, dans les autres catégories, les formulations différentes entre le médicament à l'étude et les autres médicaments pour les mêmes conditions, ou toute autre distinction pertinente pourraient entraîner l'exclusion du médicament à l'étude de la catégorie thérapeutique des autres médicaments.

Cadre de réglementation du Conseil

14. Dans l'évaluation des facteurs énoncés au paragraphe 85(1) de la Loi, le point de départ est le prix auquel le médicament est vendu [alinéa (a) du paragraphe 85(1)]. La Loi et son Règlement contiennent des dispositions qui exigent que le titulaire de brevet indique le prix auquel le médicament est vendu, de sorte que le Conseil ait cette information dans ses dossiers. Ce prix est alors examiné à la lumière de ce qui suit :

i. le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché [alinéa (b) du paragraphe 85(1)];
ii. le prix de vente du médicament à l'étranger [alinéa (c) du paragraphe 85(1)];
iii. le prix de vente d'autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l'étranger [également alinéa (c) du paragraphe 85(1)];
iv. les variations de l'IPC [alinéa (d) du paragraphe 85(1)].

15. La question du lien qui existe entre l'article 85 et les Lignes directrices du Conseil a été traitée dans le cadre de décisions antérieures du Conseil, notamment les décisions dans l'affaire Dovobet et dans l'affaire Adderall XR. Dans les présents motifs, le Panel adopte l'essence de l'extrait suivant de la décision dans l'affaire Adderall XR, qui illustre l'importance et l'habileté des Lignes directrices :

13. Comme l'a fait valoir le Conseil dans sa décision dans l'affaire de LEO Pharma, il est évident que le Parlement a sciemment libellé d'une façon très générale les facteurs de fixation du prix mentionnés dans l'article 85. Dans son article 96, la Loi prévoit que le Conseil peut formuler des lignes directrices, ce qu'a d´ailleurs fait le Conseil pour l'application des facteurs généraux mentionnés dans l'article 85 de la Loi (les « Lignes directrices »).

14. Il faut bien définir l'importance que revêtent les Lignes directrices et veiller à ne pas sous-estimer ou surestimer leur rôle. Tel qu'il en a été fait mention dans la décision dans l'affaire LEO Pharma, certaines lignes directrices sont essentielles pour permettre l'application des facteurs généraux mentionnés dans l'article 85 de la Loi. Dans la décision dans l'affaire LEO Pharma, le Conseil a affirmé les principes suivants, qui ont été confirmés par la Cour fédérale lors de la révision judiciaire de la décision :

... tout en indiquant au Conseil les facteurs dont il doit tenir compte, l'article 85 ne précise pas la façon dont ces facteurs doivent être utilisés ou pondérés pour évaluer si le prix d'un médicament est excessif ou non. En d'autres termes, l'article 85 ne fournit pas de formule que le Conseil peut utiliser pour calculer le prix MNE d'un médicament.

En particulier, deux éléments du paragraphe 85(1) exigent que le Conseil fasse preuve de discrétion, de bon jugement et d'expertise et le cas échéant, qu'il tienne compte des renseignements fournis par les intervenants et des compromis qui ont mené à l'élaboration des Lignes directrices, afin de déterminer si oui ou non les facteurs énoncés à l'article 85 indiquent que le prix d'un médicament est excessif.

Tout d'abord, l'exécution d'une comparaison ne mène pas à une conclusion qui doit découler de cette comparaison. L'article 85 laisse au Conseil la discrétion de déterminer la pertinence de chaque comparaison et de toutes les comparaisons prises ensemble. Par exemple, l'article 85 ne stipule pas que, si le prix d'un médicament est plus élevé au Canada que dans tous les autres pays, il est excessif, ni que, s'il est plus bas au Canada que dans les autres pays, il ne l'est pas. Il faut d'abord comparer le prix d'un médicament au Canada à celui dans d'autres pays, puis évaluer la pertinence de cette comparaison. Et ainsi de suite avec chacune des autres comparaisons, puis toutes les comparaisons ensemble.

Deuxièmement, et de façon connexe, chacune des comparaisons indiquées à l'article 85 pourrait mener le Conseil à une différente conclusion. Il existe un certain nombre de permutations. Par exemple, un médicament peut être vendu au Canada à un prix inférieur à celui dans d'autres pays, mais à un prix plus élevé que des médicaments comparables vendus au Canada, ou vice versa. Il faut tenir compte de chacune des trois comparaisons, puis de leur pondération, et déterminer les liens entre elles.

Le besoin de conciliation est évident dans l´application de l'article 85 de la Loi puisque chacun des facteurs pris de façon isolée n'oriente pas la décision dans une direction, mais selon la pertinence de la comparaison elle-même, elle pourrait mener à une conclusion différente. Il pourrait, sur le plan logique, être impossible pour le Conseil d'accorder une pondération égale à chacun des facteurs, ou il pourrait être logique, après avoir tenu compte de tous les facteurs d'accorder à un ou à plusieurs facteurs principaux un poids décisif, sinon, il pourrait en résulter des conflits irréconciliables dans les conclusions à tirer de chacun de ces facteurs.

En d'autres termes, le Conseil doit arriver à un seul prix précis qui est le MNE pour un médicament et, il va sans dire, les trois facteurs différents indiqués au paragraphe 85(1) ne permettent pas d'obtenir une seule valeur, pour les deux raisons mentionnées : le fait de comparer ne conduit pas à une conclusion précise et, pour un médicament donné, chacun des trois facteurs pourrait suggérer un prix MNE différent en orientation ou en degré.

15. Le Conseil a formulé ses Lignes directrices après avoir consulté ses intervenants comme l'exige le paragraphe 96(5) de la Loi. Les Lignes directrices visent à préciser et à intégrer les facteurs généraux mentionnés dans l'article 85 de la Loi, à assurer un traitement juste et uniforme de tous les brevetés et à informer les brevetés sur le processus de calcul du prix MNE des médicaments pour la période de lancement du médicament sur le marché canadien et pour chaque année subséquente durant laquelle le médicament est vendu au Canada.

16. D'autre part, le Conseil n'est pas tenu d'appliquer à la lettre ses Lignes directrices. En outre, des situations non prévues dans les Lignes directrices ou, encore, des changements au niveau des médicaments ou de leur commercialisation au Canada peuvent donner lieu à des circonstances que les Lignes directrices ne sauraient traiter adéquatement. Dans tous les cas où le prix d'un médicament fait l'objet d'une audience publique, le panel du Conseil doit décider si le prix du médicament est ou non excessif aux termes de l'article 85 de la Loi. Dans la mesure où elles couvrent la situation en cause, le panel doit vérifier si les Lignes directrices permettent une application appropriée et raisonnable des facteurs mentionnés dans l'article 85 de la Loi et ce, avant de calculer le prix MNE. Par contre, lorsqu'il apparaît que les Lignes directrices ne permettront pas une application adéquate de l'article 85 de la Loi, le panel doit déroger à celles-ci.

Catégorie thérapeutique

17. Un point de départ nécessaire dans l'analyse du Panel est la description de ce qui constitue une « catégorie thérapeutique », car l'expression est utilisée aux alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1) de la Loi. Les Lignes directrices utilisent le concept d'équivalence thérapeutique (appelé « équivalence sur le plan clinique ») pour définir une catégorie thérapeutique. En général, les témoins experts s'entendaient pour dire que l'équivalence clinique est déterminée principalement par une évaluation de la mesure à laquelle le médicament fonctionne, ou peut fonctionner, pour traiter une condition pour laquelle il est indiqué (l'efficacité réelle ou potentielle ) et les effets secondaires et les contre-indications du médicament (innocuité). La relation entre l'efficacité et l'innocuité dans la présente analyse était un problème dans la présente instance et sera discutée plus loin dans les présents motifs.

18. Le Panel a conclu que l'équivalence clinique est le concept approprié à utiliser pour établir la définition d'une catégorie thérapeutique aux fins de l'application des alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1) de la Loi. Elle reflète le libellé de la Loi, dans ce sens qu'une « catégorie » thérapeutique suggère un groupe de médicaments qui partage une ou des caractéristiques communes. Pour ce qui est de savoir quelles devraient être ces caractéristiques communes, l'équivalence thérapeutique (clinique) saisit l'esprit de la Loi, dans ce sens que les alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1) traitent de la comparaison de prix, et les principaux facteurs à cet égard sont l'efficacité et l´innocuité relatives des médicaments comparés, c'est-à-dire leur équivalence thérapeutique ou clinique.

19. Sur un plan plus général, et tel qu'il est reflété dans les Lignes directrices :

a. si l'efficacité et l'innocuité du nouveau médicament sont comparables à ceux d'autres médicaments déjà sur le marché, son fabricant devrait pouvoir le vendre à un prix aussi élevé que le prix du médicament le plus dispendieux parmi ces médicaments;

b. si l'efficacité et l'innocuité du nouveau médicament sont moindres par rapport aux autres médicaments déjà sur le marché, son fabricant ne devrait pas (du moins en vertu de cette comparaison) être autorisé à le vendre à un prix aussi élevé que le prix du médicament le plus dispendieux parmi ces médicaments.

20. L'inverse est également inclus dans l'approche du Conseil pour l'établissement du prix MNE d'un nouveau médicament. Si l'on ne démontre pas que l'efficacité et l'innocuité du médicament étaient comparables à ceux des médicaments existants au Canada, le médicament ne serait pas considéré comme étant équivalent sur le plan clinique et, ainsi, il n'y aurait pas de catégorie thérapeutique aux fins de la comparaison des prix. Il faut alors faire référence aux critères énoncés à l'alinéa (c) du paragraphe 85(1) : le prix de vente du médicament à l'étranger et (au cas où, contrairement à la situation au Canada, des médicaments comparables sont vendus à l'extérieur du pays) le prix de vente d'autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l'étranger. Comme le Conseil l'a fait remarquer dans d'autres décisions, on est plus susceptible d'accorder plus de poids au premier de ces deux facteurs parce que la comparaison est plus directe (même médicament, différents pays par rapport à différent médicament, différents pays) quoiqu'il faudrait prendre en compte des faits liés au cas, le fait de savoir si cette pondération est appropriée dans n'importe quel cas.

21. Si, comme c'est le cas au Canada, il n'existe aucun autre médicament à l'étranger dans la même catégorie thérapeutique, alors les seuls facteurs qui restent au paragraphe 85(1) que le Conseil peut prendre en compte (en supposant que le changement de l'IPC n'entre pas en jeu) sont le prix du médicament (à l'étude) au Canada et à l'étranger. Pourtant, dans cette situation, le Conseil devrait être satisfait que ces facteurs suffisent pour déterminer si le médicament était vendu ou non à un prix excessif, sans devoir avoir recours aux facteurs énoncés au paragraphe 85(2).

22. Les médicaments appartenant à la même catégorie thérapeutique, aux fins des alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1), ne sont pas simplement des médicaments pouvant traiter la même condition. Pour utiliser un exemple extrême, il ne serait pas logique, au moment de regrouper des médicaments afin d´évaluer si le prix de l'un d'entre eux est approprié, d'inclure dans ce groupe des médicaments qui sont très peu efficaces et d'autres qui le sont entièrement, ni des médicaments présentant un risque élevé d'effets secondaires graves et d'autres qui n'en ont pas. Pour cette catégorie, on se retrouverait à établir un prix plafond pour un médicament très peu efficace et très risqué en se basant sur le prix de médicaments qui sont entièrement efficaces et sûrs.

Cela n'aurait aucun sens pour ce qui a trait aux objectifs de la Loi. C'est la raison pour laquelle l'équivalence sur le plan clinique est le critère approprié pour une catégorie thérapeutique tel que le terme est utilisé aux alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1) de la Loi.

23. La position de sanofi-aventis est qu'une déficience relative de l'efficacité d'un médicament (comparativement aux autres médicaments de la catégorie thérapeutique proposée) pourrait être compensée par des caractéristiques de sûreté supérieures du médicament. Cette position dénote une certaine logique parce qu'elle est conforme à la notion que des médicaments de prix comparable devraient être de valeur égale pour le patient, et cela pourrait être le cas, par exemple, avec un médicament qui est moins efficace, mais plus sûr que des solutions de rechange.

24. Toutefois, le Panel estime qu'il s'agit d'une analyse très difficile, voire impossible, à entreprendre et qui comprend mal le concept d'équivalence clinique. Alors que le fait d'établir un compromis entre l'innocuité et l'efficacité potentielle, ou inversement, est une analyse que l'on doit réaliser en pratique clinique, il s'agit d'une décision qui est hautement subjective et individuelle. Ce principe ne convient pas à une analyse large dans le contexte d'établir des prix non excessifs. Divers scientifiques, cliniciens et patients pourraient avoir des points de vue très divergents sur l'équilibre entre le risque et l'efficacité, selon leur propre perception de la gravité de la maladie, de l'impact qu'elle a ou pourrait avoir sur la vie du patient, et l'aversion au risque de chaque patient. La question se complique davantage par la possibilité d'avoir des données relativement médiocres sur l'efficacité et de devoir les évaluer en fonction de données de bonne qualité sur le risque, ou inversement.

25. En outre, un médicament qui a un profil de sûreté différent aura tendance à être moins équivalent sur le plan clinique, et non plus, pour les médicaments de comparaison. La preuve de sanofi-aventis était que le Penlac convenait à certains patients qui ne tolèrent peut-être pas les médicaments systémiques, ce qui indique, comme l´a fait remarquer le Dr Mitchell Levine (convoqué par le personnel du Conseil), que le Penlac ressemblait moins à des médicaments systémiques. En fait, prises seules, les distinctions entre l'innocuité et le caractère approprié pour diverses populations de patients, si elles sont assez importantes, pourraient placer un médicament dans une catégorie thérapeutique différente que les autres pour les mêmes indications.

26. De même, le Panel estime qu'il n'est ni pratique, ni approprié de considérer les deux concepts comme étant additifs. L'équivalence clinique exige plutôt une efficacité et une sûreté comparables

27. Les Lignes directrices prévoient une récompense possible aux titulaires de brevets pour des médicaments plus sûrs. Les Lignes directrices peuvent refléter une amélioration importante de l'innocuité par la catégorisation d'un médicament qui offre une amélioration en tant que médicament de la catégorie 2, ce qui permet au titulaire de brevet de lancer le médicament sur le marché canadien au prix international médian. Cela est souvent un avantage pour les titulaires de brevet, car le prix international médian peut être supérieur aux prix des médicaments de comparaison au Canada. Dans ce cas particulier, comme le prix international médian du Penlac était inférieur au prix au Canada, l'accès au prix international médian n'aurait pas présenté d'avantages pour sanofi-aventis sur le plan de l'établissement de prix à l'échelle nationale. Toutefois, ce fait découle des décisions de sanofi-aventis relativement à l'établissement des prix internationaux, et non du fonctionnement des Lignes directrices. Ce point est abordé plus en détail plus loin dans les présents motifs.

28. Enfin, même si le Panel devait tenter de pondérer l'efficacité et l'innocuité du Penlac avec ceux du Lamisil et du Sporanox, il conclurait que le risque réduit d'effets secondaires graves, mais assez rares, du Penlac et son indication pour une certaine population de patients ne constituent pas un avantage suffisant par rapport au Lamisil et au Sporanox pour compenser pour son efficacité inférieure très marquée par rapport à ces médicaments. Le concept sous-jacent au Penlac – concentrer le médicament sur la partie touchée du corps et protéger ainsi au reste du corps des interactions ou des effets secondaires possibles – était sans contredis bon. Toutefois, l'efficacité de la tentative est tellement inférieure aux médicaments systémiques que l'amélioration de l'innocuité n'est pas susceptible d'être considérée comme un compromis adéquat par bon nombre de patients qui sont informés des données. Le Panel a accepté la preuve du Dr Vincent Ho, dermatologue et professeur en pharmacologie dermatologique, convoqué par le personnel du Conseil, voulant que les patients qui ne pouvaient pas prendre les médicaments systémiques, ou ne voulaient pas les prendre, une fois informées des données sur l'efficacité potentielle, choisissaient en général de ne rien faire plutôt que d'utiliser le Penlac.

29. sanofi-aventis a observé que le Lamisil avait constamment été évalué comme étant plus efficace que le Sporanox. Dans une étude et dans une mesure de la réussite du traitement, la différence entre l'efficacité du Lamisil et du Sporanox était aussi importante que celle entre le Sporanox et le Penlac. sanofi-aventis a soutenu que, si l'on considère que le Lamisil et le Sporanox sont dans la même catégorie thérapeutique malgré leur niveau différent d'efficacité (comme les témoins pour sanofi-aventis et le Dr Ho l'ont fait), alors il est permis de croire que le Penlac devrait être dans cette catégorie thérapeutique.

30. L'argument de sanofi-aventis sur ce point repose sur la prémisse d'une interprétation des données (l'efficacité largement disparate du Lamisil et du Sporanox) que le Panel rejette. Il est clair que la preuve démontre que le Lamisil est plus efficace que le Sporanox, mais la prépondérance de la preuve (en particulier la preuve la plus fiable) révèle que le Lamisil et le Sporanox sont tous deux efficaces à traiter les symptômes d'onychomycose, alors que le Penlac n'est pas particulièrement efficace.

Nouvelle catégorie de médicament

31. À ce point-ci, il est utile de décrire un élément des Lignes directrices du Conseil qui ne se présente pas directement dans ce cas-ci, mais qui a été utilisé comme preuve et argument afin de discuter de l´équivalence clinique relative et de l'établissement de catégories thérapeutiques aux fins des alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1).

32. Lorsqu'un nouveau médicament est lancé sur le marché, les Lignes directrices exigent qu'il soit catégorisé en fonction de plusieurs facteurs, y compris son efficacité par rapport aux médicaments existants. C'est le premier point en fonction duquel l'efficacité et l'innocuité relatives sont examinées. Un médicament qui apporte un « avantage thérapeutique modeste, minime ou nul » par rapport aux médicaments existants est considéré comme un médicament de la « catégorie 3 » et son prix ne doit pas dépasser le prix le plus élevé des médicaments comparables existants vendus au Canada.

33. Un médicament qui constitue une « découverte » ou une « amélioration importante » par rapport aux médicaments déjà sur le marché est considéré de la « catégorie 2 », et dans cette catégorie (tel qu'il est indiqué précédemment), son prix peut, selon le prix établi à l'échelle internationale, être plus élevé que celui d'un médicament de la catégorie 3.

34. Le Dr Neil Shear, convoqué par sanofi-aventis, a fait valoir que cela devrait mettre fin à l'analyse des mérites thérapeutiques relatifs du médicament, et qu'une fois cette catégorisation terminée, les catégories thérapeutiques devraient être composées de tout médicament qui traite une condition, sans égard à son efficacité relative, pourvu que chaque médicament ait une certaine efficacité (supérieure à un placebo).

35. Le Panel ne partage pas ce point de vue. Pour les raisons invoquées précédemment, le Conseil doit tenir compte des catégories thérapeutiques au moment de déterminer le prix MNE d'un médicament, et l'équivalence clinique est un élément central du concept d'une catégorie thérapeutique qui est créée aux fins de l'établissement de prix. Comme il est indiqué précédemment dans les présents motifs, pour ce qui est de l'approche défendue par sanofi-aventis et le Dr Shear, un médicament risqué qui est lancé sur le marché et qui n'offre pratiquement aucun avantage aux patients serait classé dans la même catégorie thérapeutique et son prix pourrait être aussi élevé qu'un médicament sûr existant qui offre une guérison complète. Cela ne serait pas une manière raisonnable d'appliquer les alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1) de la Loi.

36. Dans les Lignes directrices, la catégorisation sert un objectif autre que de déterminer la catégorie thérapeutique. Dans le contexte de la présente discussion, la catégorisation permet à un nouveau médicament qui constitue une découverte ou une amélioration importante par rapport à des médicaments existants de sortir entièrement de la comparaison de la catégorie thérapeutique et de recourir au prix international médian comme plafond pour le prix du médicament au Canada. Le plafond du prix des médicaments qui ne satisfont pas au seuil élevé d'amélioration thérapeutique est établi par la comparaison de la catégorie thérapeutique au Canada. Mais à l'intérieur d'un groupe de médicaments qui traitent une condition donnée, il doit également y avoir une harmonisation de l'efficacité et de l'innocuité, de sorte que la référence à des prix comparables de médicaments poursuit l'objectif de récompenser les médicaments supérieurs

37. Le problème de la catégorisation a également été soulevé lorsqu'il a été utilisé pour indiquer la différence entre les caractéristiques thérapeutiques (efficacité et innocuité) du Penlac, d'une part, et du Lamisil et du Sporanox, d'autre part. La preuve fournie par les experts convoqués par les deux parties était que, si le Penlac avait été le premier médicament sur le marché et que le Lamisil ou le Sporanox avait été lancé, comme ces deux médicaments systémiques sont beaucoup plus efficaces que le Penlac, l'on pourrait faire valoir que les médicaments systémiques sont une « amélioration importante » et que le Conseil devrait les classer dans la catégorie 2. Selon cette preuve, si le Lamisil ou le Sporanox avait été lancé sur le marché après le Penlac, ils n'auraient probablement pas été inclus dans la même catégorie thérapeutique que le Penlac et, ainsi, leurs prix n'auraient pas été limités à celui du Penlac.

38. L´inverse est implicite dans cette observation, parce que rien qui se rapporte à une catégorie thérapeutique ne devrait dépendre de l'ordre dans lequel les médicaments sont lancés sur le marché. Si les prix du Lamisil et du Sporanox, des médicaments d'efficacité supérieure, ne dépendraient pas de celui du Penlac, alors on ne devrait pas permettre l'établissement du prix du Penlac, un médicament d'efficacité inférieure, en fonction d'une comparaison avec ceux du Lamisil et du Sporanox

39. Tandis qu'il est difficile de conclure définitivement que le Lamisil et le Sporanox appartiennent à la même catégorie thérapeutique, alors que cela n'était pas le sujet direct de la présente instance, le poids de la preuve provenant de la documentation et des témoins experts indique qu'ils devraient faire partie de la même catégorie thérapeutique. En tenant compte de toute la documentation, ils ont tous deux une efficacité comparable et raisonnable, ce que le Penlac n'a pas. Le Panel conclut que, si les médicaments systémiques appartiennent à la même catégorie thérapeutique, le Penlac n'appartient pas à cette dernière.

Décision du Conseil dans l'affaire Dovobet

40. sanofi-aventis s'est également fiée à la décision du Conseil au sujet du médicament Dovobet, dans laquelle il traite de la création d'une catégorie thérapeutique. Le titulaire de brevet pour le Dovobet avait conçu un médicament composé qui combinait deux médicaments distincts qui, avant l'arrivée du Dovobet, devaient être appliqués séparément pour traiter le psoriasis. La question était de savoir si le médicament composé appartenait à la même catégorie thérapeutique que les deux médicaments distincts qui étaient ses éléments constituants. Il s'agit là d'une question différente de celle dont est saisi le présent Panel.

41. Cela étant dit, le Panel estime que sa décision dans la présente affaire est conforme à la décision rendue dans l'affaire Dovobet parce que, selon l'importance de toute la preuve, le fait d'ajouter le Penlac à une catégorie thérapeutique composée du Lamisil et du Sporanox (pour reprendre le libellé de la décision dans l'affaire Dovobet) « compromettrait l'homogénéité de la catégorie au point où selon tout jugement scientifique et pratique, cela serait inapproprié ». En fait, le panel d'audience dans l'affaire Dovobet (aux pages 15 à 18 de la décision) a rejeté en particulier la proposition voulant que la « catégorie thérapeutique » fût équivalente aux « options thérapeutiques », et a remarqué que la décision relative à sa catégorie thérapeutique aurait été différente s'il n'y avait pas eu d'équivalence clinique :

L'utilisation de comparateurs de médicaments avec ingrédients actifs distincts pour les médicaments combinés est toujours sujette à l'avertissement que cela ne convient pas si des preuves fiables tendent à indiquer que les médicaments distincts utilisés dans un traitement combiné ont un effet clinique très différent que le médicament combiné

Autres positions présumément adoptées par le GCMUH au sujet de l'efficacité relative

42. Le Dr Shear a témoigné au nom de sanofi-aventis voulant que, durant son mandat auprès du Groupe consultatif sur les médicaments à usage humain (de 1998 à 2003), le GCMUH ne considérait pas l'efficacité comparable comme une exigence pour l'ajout dans une catégorie thérapeutique. sanofi-aventis a également présenté la preuve que, pour ce qui est du médicament Champix, le GCMUH avait recommandé une catégorie thérapeutique qui comprenait les thérapies de renoncement au tabagisme dont l´efficacité était aussi divergente que celle du Penlac et des médicaments systémiques

43. Le Panel ne peut tirer de conclusion de ces allégations qui sont pertinentes à l'affaire dont il est saisi, et ce, pour des motifs doctrinaux et probants. Tout d'abord, pour les motifs cités précédemment, le Panel est d'avis que l'efficacité comparable est un facteur important de l'évaluation de l'équivalence clinique. Si le GCMUH s'éloignait de ce principe, le Panel aurait estimé qu'il s'était éloigné des Lignes directrices et aurait exigé une explication. Cela étant dit, l'efficacité sera mesurée par différents facteurs selon la maladie, les médicaments disponibles pour la soigner, et les normes en fonction desquelles le succès est mesuré. De même, ce n'est pas du tout évident que le GCMUH s'est écarté de ce principe dans l'affaire Champix.

44. Pour ce qui est de la pratique du GCMUH durant le mandat du Dr Shear, la proposition que, par exemple, un médicament qui est très peu efficace devrait être inclus à des médicaments qui offrent une guérison complète dans la même catégorie thérapeutique aux fins de comparaisons des prix est tellement incompatible avec la Loi et les Lignes directrices que le Panel serait surpris que cette présumée pratique soit confirmée par des exemples particuliers. Dans tous les cas, tel qu'il est indiqué, c'est le Conseil qui tranche ces questions, et les Lignes directrices du Conseil indiquent clairement qu'une catégorie thérapeutique est établie sur la base de l'équivalence clinique. L'équivalence clinique est établie par l'efficacité et l'innocuité comparables. Tel qu'indiqué, le Panel estime que cette caractéristique des Lignes directrices est une application appropriée de l'expression « catégorie thérapeutique » telle qu'elle apparait aux alinéas (b) et (c) de l'article 85 (1) de la Loi

45. Ensuite, il n'est pas possible de juger ce que le GCMUH a fait ou n'a pas fait dans les circonstances citées par sanofi-aventis parce que le Panel n'a pas examiné ces affaires et que le dossier n'offre pas de fondement suffisant pour appuyer une conclusion sur ce point. De plus, une bonne partie des renseignements transmis par sanofi aventis en rapport à l'Engagement de conformité volontaire de Champix n'a pas été présentée à l'audience (mais plutôt comme plaidoyer final) et le personnel du Conseil n´a pu examiner la documentation durant l'audience ni exposer ses propres éléments de preuve en réponse à celle-ci.

46. Pour conclure ce point, le Panel n'est pas persuadé que le GCMUH a adopté une approche différente pour établir une catégorie thérapeutique dans cette affaire que pour les autres affaires qui lui ont été soumises, et le Panel ne se serait pas détourné du concept d'équivalence clinique appuyé dans les présents motifs si le GCMUH avait adopté une approche différente dans d'autres affaires.

Témoins experts

47. Les deux parties ont déposé de multiples rapports d'experts sur les sujets touchant le différend qui les oppose. Cette documentation a été examinée par le Panel avant l'audience. Lors de l'audience, la preuve de chaque expert a été soulignée dans le cadre de l'interrogatoire principal et évaluée lors d'un contre-interrogatoire par la partie opposée. Cette preuve, ainsi que les observations des parties sur le poids qu'il convient au Panel d'y accorder, ont alors été résumées pour en faire des observations verbales et écrites très utiles. Le Panel a examiné à fond la preuve et, à l'exception des points saillants et des conclusions, il ne la reproduira pas dans les présents motifs.

48. Tous les témoins avaient des titres de compétences impressionnants et l'on n'a pas contesté sérieusement leurs compétences à témoigner comme témoin expert. De plus, il était évident que chaque témoin s'était efforcé de bien préparer son rapport et son témoignage devant le Panel. Le personnel du Conseil a présenté son argument final selon lequel la preuve soumise par les témoins experts de sanofi-aventis devait être prise en compte à la lumière de leurs liens (à divers degrés) avec l'industrie pharmaceutique et (dans certains cas) avec sanofi-aventis elle-même.

49. Le Panel est d'accord avec la proposition voulant que l'indépendance relative soit un facteur essentiel au poids accordé à la preuve de tout témoin, tant aux relations qui pourraient entraîner un préjugé ou à la démonstration d'un préjugé dans la preuve du témoin. S'il avait été nécessaire de le faire, par exemple pour trancher entre deux simples options d'un vide de documentation – le Panel aurait dû envisager l'indépendance relative des témoins experts convoqués par les deux parties.

50. Toutefois, le Panel n'a pas eu besoin de faire fi de l'évidence d'aucun des témoins sur cette affaire particulière afin de parvenir aux conclusions énoncées dans les présents motifs. Le Panel a pu parvenir à des conclusions sur les points en litige et déterminer l'importance à accorder aux preuves soumises par les divers témoins en faisant une évaluation de leur affidavit, de la substance et de la manière de leur témoignage de vive voix et de l'étendue de la cohérence de leurs opinions avec la documentation.

Preuve

51. L'affaire a été présentée au Panel à la suite d'un désaccord entre sanofi-aventis et le personnel du Conseil, ce dernier agissant sur les conseils du GCMUH.

52. Les membres du GCMUH ont une vaste expérience de l'application des Lignes directrices du Conseil, mais n'ont aucun autre lien avec celui-ci. Ils ne reçoivent aucun renseignement sur l'établissement des prix pour le médicament à l'étude ou pour tout autre comparateur possible, ou les répercussions financières possibles découlant de leurs conseils scientifiques.
Ils examinent la documentation scientifique pertinente à leur tâche pour chaque affaire et toute observation que le titulaire de brevet peut faire sur la documentation ainsi que les questions pouvant se rapporter à l'application des Lignes directrices au médicament à l´étude. La preuve relative aux conclusions atteintes par le GCMUH a une certaine importance, comme elle découle d'un examen spécialisé indépendant de la documentation et des observations du titulaire du brevet tout en tenant compte des Lignes directrices du Conseil. Toutefois, comme ses conclusions sont citées sans trop d'élaboration, le personnel du Conseil ne peut pas s'y fier à elles seules lors d'une audience sur l'établissement du prix, où des témoins experts sont convoqués afin de donner des opinions détaillées.

53. Le GCMUH a examiné la documentation scientifique pertinente au Penlac et les observations qui ont été faites par sanofi-aventis au personnel du Conseil. En résumé, sanofi-aventis a présenté à peu près la même affaire au personnel du Conseil qu'au Panel : que l'efficacité du Penlac était suffisamment comparable à celle du Lamisil et du Sporanox qu'il devrait être considéré comme étant équivalent sur le plan clinique et ainsi, classé dans la même catégorie thérapeutique que ces médicaments. sanofi-aventis a également allégué que, pour s'opposer à la prétendue efficacité médiocre du Penlac par rapport au Lamisil et au Sporanox, le Penlac était plus sûr et offrait une meilleure valeur que ces médicaments. Des observations détaillées et des références à la documentation scientifique ont été présentées afin d'appuyer ces positions.

54. En tentant d'établir une catégorie thérapeutique pour le Penlac, le GCMUH a suivi le processus, tel qu'il est stipulé dans les Lignes directrices, de tenir compte des agents retrouvés au quatrième niveau de sous-catégorie du système de classification anatomique thérapeutique chimique (ATC) de l'Organisation mondiale de la santé pour identifier les médicaments servant au traitement de l'onychomycose. Il n'y avait aucun médicament du genre. Le GCMUH a alors examiné les autres niveaux de l'ATC pour les médicaments qui traitent l'onychomycose et a trouvé le Lamisil et le Sporanox. Le personnel du Conseil a souligné que cela était inhabituel, parce que le GCMUH recherche habituellement des comparateurs possibles qui ont la même formulation, alors que le Penlac est un médicament topique et le Lamisil et le Sporanox sont des médicaments systémiques oraux. Toutefois, le GCMUH a envisagé les médicaments systémiques comme étant des comparateurs possibles en autant, comme le stipulait les Lignes directrices, qu'ils étaient cliniquement équivalents.

55. Le GCMUH a alors examiné les observations de sanofi-aventis et la documentation scientifique afin d'évaluer l'équivalence clinique. Les trois membres du GCMUH ont conclu à l'unanimité que, à cause du degré auquel le Penlac était moins efficace que le Lamisil et le Sporanox, le Penlac n'était pas équivalent sur le plan clinique à ces médicaments. Le Dr Levine, qui siégeait au groupe du GCMUH qui est parvenu à cette conclusion, a élaboré sur ce point dans sa preuve en indiquant qu'habituellement, le GCMUH permet une variance de 10 à 15 % de son efficacité au moment d'établir une catégorie thérapeutique, tandis que, dans le cas du Penlac et des médicaments systémiques, la différence était beaucoup plus grande : « excessive », pour reprendre ses termes.

56. Sur le point qui est pertinent à la présente audience, le GCMUH a conclu qu'il n'y avait aucun médicament comparable au Penlac; c'est-à-dire, les seuls comparateurs possibles étaient le Lamisil et le Sporanox, et le Penlac n'était pas dans la catégorie thérapeutique de ces médicaments. En effet, le GCMUH a conclu que le Penlac n'a pas de catégorie thérapeutique. On pourrait également énoncer la conclusion voulant qu'il n'y ait aucun autre médicament dans la même catégorie thérapeutique que le Penlac.

57. Une fois que le GCMUH a communiqué ses conclusions à sanofi-aventis, la compagnie a fourni des observations et des documents supplémentaires en vue de persuader le personnel du Conseil de sa position. Le personnel du Conseil a demandé les services du Dr Levine pour examiner ces observations. Il a rédigé deux rapports dans lesquels il a analysé les observations supplémentaires et appuyait les conclusions auxquelles était parvenu le GCMUH.

58. Le Dr Ho a présenté un témoignage d'expert en des termes analogues dans le cadre de l´instance, au nom du personnel du Conseil. La nature de sa preuve était que le Penlac était si inefficace que lui et ses collègues le prescrivaient rarement, voire jamais. Il a indiqué que la plupart de ses patients qui ne veulent pas prendre les médicaments systémiques, une fois informés du taux d'efficacité du Penlac, ont fait le choix qu'il a considéré comme le plus sensé, de ne pas se donner la peine d'utiliser le Penlac. L'onychomycose est surtout un problème cosmétique et, de toute évidence, ça ne vaut pas la peine de se préoccuper de l'application quotidienne d'un médicament qui, de l'avis du Dr Ho et de son interprétation de la documentation, est à peine efficace, voire pas du tout.

59. sanofi-aventis a soumis la preuve des Drs Aditya Gupta, Charles Lynde, Kirk Barber et Neil Shear, chercheurs et médecins spécialisés en dermatologie, afin d'appuyer la position de sanofi-aventis au sujet de l'efficacité et de l'innocuité du Penlac. Le Dr Shear a également présenté une preuve portant expressément sur la façon appropriée d'établir une catégorie thérapeutique aux fins des Lignes directrices.

60. Les témoins de sanofi-aventis ont présenté un point de vue très différent de celui du personnel du Conseil au sujet de l'efficacité du Penlac. À titre de dermatologues praticiens, leur position était que, même si le Penlac était beaucoup moins efficace que les médicaments systémiques, il était quelque peu efficace et beaucoup plus approprié, ou la seule option, pour certaines situations pour lesquelles les médicaments systémiques ne convenaient pas. Ils estimaient que c'était un des outils de la boîte à outils d'un dermatologue qui traite l'onychomycose, même s'il n'était pas aussi efficace que les médicaments systémiques.

61. Le Panel a pris en compte la preuve des témoins et a fait référence à la documentation scientifique pour résoudre les divergences entre les témoins convoqués par sanofi aventis et le personnel du Conseil. En évaluant l'efficacité d'un médicament, les scientifiques, les cliniciens et le Conseil ont examiné la preuve disponible. Il y a une hiérarchie de constance dans la preuve qui est disponible au sujet de l'efficacité et de l'innocuité des médicaments. La preuve la plus fiable provient des essais contrôlés randomisés à double insu et bien conçus, et les preuves les moins fiables proviennent des connaissances générales d'un clinicien expert, avec un éventail de formes de preuves de fiabilité intermédiaire entre le haut et le bas de la hiérarchie.

62. Les conclusions que l'on peut tirer avec fiabilité des différents types de preuves au sujet de l'efficacité réelle ou potentielle des médicaments ont fait l'objet de discussions dans les cercles de scientifiques et lors d'audiences devant le Conseil. C'est un sujet important pour le Conseil, parce que celui-ci doit examiner plusieurs formes de preuves afin de catégoriser l'efficacité de nouveaux médicaments par rapport à l'efficacité des médicaments existants. Le fait que l'avis d'experts est le type d'élément de preuve le moins fiable ne lui enlève pas sa valeur, mais il n´est pas susceptible d'appuyer la conclusion (pour ou contre) la preuve clinique avancée par le Conseil et, dans tous les cas, le Conseil accorde le plus de poids à la preuve la plus fiable disponible.

63. Il y a alors la question des conclusions qui peuvent être tirées des essais randomisés à double insu. Le Panel conclut que, toute étude doit être bien conçue, mise en œuvre et analysée pour donner des renseignements fiables, mais les essais les plus fiables comparant l'efficacité et l'innocuité relatives de médicaments sont ceux dans lesquels les médicaments à comparer sont administrés lors d'un seul essai : c'est-à-dire, un essai « ouvert ». Un tel essai est conçu, mis en œuvre et analysé d'une manière qui vise à s'assurer que les médicaments à l'étude sont comparés dans des circonstances similaires, de façon à ne pas compromettre leur efficacité et leur sûreté relatives par les variances sur les plans de la collecte et de l'analyse des données.

64. Lorsque les essais parallèles ne sont pas disponibles, les scientifiques peuvent faire une méta-analyse, qui sert à comparer les résultats de multiples essais distincts visant à évaluer l'efficacité des médicaments à l'étude. Ainsi, on peut comparer les résultats d'un essai visant à évaluer l'efficacité du médicament « A » aux résultats d'un autre essai évaluant l'efficacité du médicament « B », et tenter de tirer des conclusions sur l'efficacité relative des deux médicaments. De même, on peut évaluer l'efficacité des médicaments « A », « B » et « C » en comparant les résultats d'un essai évaluant l'efficacité relative des médicaments « A » et « B » et les résultats d'un autre essai évaluant l'efficacité des médicaments « B » et « C ». Les méta-analyses les plus fiables sont celles dans lesquelles les essais de haute qualité comparables (essais randomisés à double insu) sont regroupés et analysés.

65. Toutefois, dans les études pour lesquelles l'on recueille des données d'essais multiples, même des essais de haute qualité, il pourrait y avoir des variations entre les essais sur les plans de la conception, de la population de patients, de la mise en œuvre et de l'analyse. Par conséquent, il est probable que la comparaison de leurs résultats ne fournira pas autant d'information qu'un important essai parallèle bien conçu visant à comparer directement l'efficacité du médicament « A » à celui du médicament « B » dans des circonstances identiques. De même, alors qu'une méta-analyse peut être utile (et est parfois tout ce qui est disponible), tous les autres facteurs étant égaux, une telle comparaison générerait des renseignements moins fiables, voire probablement beaucoup moins fiables, que les résultats d'un bon essai parallèle.

66. Aucun essai parallèle ne compare l'efficacité du Penlac avec celle du Lamisil et du Sporanox. sanofi-aventis n'était pas tenue de faire des essais parallèles au bénéfice du Conseil, même si l'absence de tels essais rend plus difficile pour sanofi-aventis de réfuter la preuve voulant que le Penlac ne soit pas particulièrement efficace par rapport à ces médicaments.

67. Le Dr Gupta, convoqué à titre d´expert par sanofi-aventis, a reconnu la valeur des essais parallèles et a témoigné que, dans son travail d'expert-conseil pour sanofi-aventis, il avait recommandé avec insistance à celui-ci, le plus fermement possible, d'entreprendre des essais parallèles randomisés à double insu avec le Penlac et les médicaments systémiques. Il a témoigné qu'il avait imploré sanofi-aventis de faire ces essais parce que les essais actuels (les essais sur lesquels se fondait sanofi-aventis dans la présente affaire) étaient insuffisants pour établir l'efficacité du Penlac par rapport aux médicaments systémiques. Il a déclaré que, malgré sa supplication, sanofi aventis n'avait pas fait d'essais parallèles.

68. sanofi-aventis n'a pas convoqué de témoins de la compagnie pour témoigner de ces questions. Le personnel du Conseil a demandé au Panel de tirer une inférence défavorable de ce fait.

69. sanofi-aventis a répondu à la position du personnel du Conseil en notant correctement qu'il incombe à celui-ci d'établir que le prix du Penlac était excessif; sanofi-aventis n'avait aucune obligation de produire des éléments de preuve. Néanmoins, il est curieux qu'aucun représentant de sanofi-aventis n'ait témoigné devant le Panel. La qualité persuasive de la preuve en rapport à l'efficacité relative du Penlac et les médicaments systémiques était un problème lors du dialogue entre sanofi-aventis et le personnel du Conseil depuis quelque temps, y compris, bien entendu, au cours de la présente audience. Le Dr Gupta a témoigné voulant qu'il « ait toujours eu des problèmes avec l'efficacité » du Penlac – d'où son insistance auprès de sanofi aventis pour faire des essais parallèles randomisés à double insu avec les médicaments systémiques.

70. Le Panel n'a pas besoin de tirer d'inférence défavorable du défaut de sanofi-aventis de présenter un témoin de la compagnie. Il n'est pas nécessaire de parvenir à une conclusion sur la raison pour laquelle sanofi-aventis n'a pas fait d'essais qui auraient donné lieu à une preuve de bonne qualité sur l'efficacité du Penlac par rapport aux médicaments systémiques. Il y a simplement un écart dans la preuve à ce point-ci, un écart dont sanofi-aventis était consciente, qu'il avait été avisé de combler par son expert-conseil, mais qu'il avait choisi de ne pas faire.

71. Dans la présente instance, la position du personnel du Conseil était que (1) les études et les essais auxquels sanofi-aventis se fiait pour placer le Penlac dans la même catégorie thérapeutique que le Lamisil et le Sporanox n'étaient pas de la qualité (sur les plans des méthodes et de la rigueur scientifique) nécessaire pour tirer des conclusions sur l'efficacité relative du Penlac, du Lamisil et du Sporanox, et (2) les essais les plus fiables comparant ces médicaments ont révélé que le Penlac était beaucoup moins efficace que le Lamisil et le Sporanox.

72. sanofi-aventis a défendu la qualité des études et des essais sur lesquels il se fondait, en alléguant qu'ils démontraient que l'efficacité du Penlac était assez similaire à celle du Lamisil et du Sporanox pour justifier que le Penlac soit inclus dans la même catégorie thérapeutique que ces médicaments. sanofi-aventis a remarqué que, d'une certaine mesure et en utilisant certaines données, on pourrait observer que le Penlac, même s'il est le médicament le moins efficace parmi les trois, n'était non moins efficace en rapport au Lamisil que le Lamisil l'était en rapport au Sporanox.

Mesure de l'efficacité réelle et de l´efficacité potentielle

73. Pour le traitement de l'onychomycose, il y a différentes mesures du succès. Une mesure est la « guérison mycologique », qui survient quand les analyses révèlent qu'il n'y a aucun champignon présent sur l'ongle. Une autre mesure est la « guérison clinique », qui survient quand l'ongle ne montre aucune difformité ni aucun signe visible d'infection. Enfin, il y a « guérison complète » lorsqu'il y a guérison mycologique et guérison clinique.

74. La « guérison complète » a été décrite dans la preuve comme étant l'« exemple idéal » pour évaluer l'efficacité des traitements de l'onychomycose. La preuve a révélé deux principales explications relativement à ce phénomène. Tout d'abord, le mode d'évaluation de la guérison mycologique mène à une surdéclaration constante de la guérison. Ensuite, étant donné que l'onychomycose est surtout une maladie cosmétique, le retour à une apparence relativement normale de l'ongle est l'objectif du traitement et la guérison clinique est donc une partie importante de la réussite du traitement. Cela ne veut pas dire que la guérison mycologique n'est pas une mesure aussi utile et courante de la réussite du traitement, ni que la subjectivité de l'évaluation de la guérison clinique n'est immatérielle à l'analyse. Toutefois, en somme, la preuve a indiqué clairement que la guérison mycologique n'est pas une mesure aussi importante que la guérison complète au moment d'évaluer l'efficacité d'un médicament pour le traitement de l'onychomycose. De même, le Panel a donné plus d'importance aux conclusions de guérison complète au moment d'évaluer l'efficacité relative du Penlac et des médicaments systémiques.

75. Le personnel du Conseil et sanofi-aventis ont débattu de la pertinence de questions moins essentielles sur l'importance de la documentation, comme les taux de rechute et l'importance du succès de placebo. Le Panel a constaté qu'il pouvait accepter les positions de sanofi-aventis sur ces sujets et arriver quand même à la conclusion recommandée par le personnel du Conseil concernant l'efficacité relative du Penlac et des médicaments systémiques.
Documentation scientifique

76. L'évaluation des diverses données et conclusions retrouvées dans la documentation scientifique afin de trouver la meilleure conclusion relativement à l´efficacité d'un médicament exige un examen minutieux. Après avoir lu les rapports et les documents à l'appui des experts convoqués par les deux parties, et après avoir entendu leurs preuves lors d'interrogatoires principaux et de contre-interrogatoires, le Panel conclut que le poids de la preuve établit de façon irréfutable que le Penlac est beaucoup moins efficace que le Lamisil ou le Sporanox.

77. Les seuls essais randomisés à double insu portant sur le Penlac ont été désignés comme les « études 312 et 313 ». Il ne s'agissait pas d'essais parallèles, mais plutôt d'essais avec le Penlac contre des placebos. Dans ces études, le taux de guérison complète du Penlac après 48 semaines de traitement était de 5,5 % pour l'étude 312 et de 8,5 % pour l'étude 313. Même si l'onychomycose est une maladie difficile à guérir, ces taux de guérison sont faibles, en particulier quand on considère le fait que les taux de succès des essais – pour lesquels les cliniciens et les patients font habituellement preuve de plus d'assiduité afin de maintenir un bon régime de traitement –sont habituellement plus élevés que lors d'une utilisation normale.

78. Par opposition aux taux de guérison complète du Penlac dans les études 312 et 313, l'étude « LION », un essai parallèle bien exécuté sur le Lamisil et le Sporanox, a trouvé des taux de guérison complète de 50 % et de 30 % respectivement.

79. Parmi les méta-analyses de la preuve, le Panel a constaté que l'étude de Casciano et Shear était la plus fiable et la plus informative. Elle a trouvé un taux de guérison mycologique de 32 % pour le ciclopirox (Penlac), de 81 % pour le terbinafine (Lamisil) et de 65 % pour l'itraconazole (Sporanox). En considérant les taux de guérison plus élevés signalés dans l'évaluation de la guérison mycologique, ces données sont harmonisées au taux de guérison complète dans les essais individuels des médicaments

80. Le Panel n'a pas trouvé utile la méta-analyse pharmacoéconomique sur le Penlac, appuyée par une subvention éducative de Dermik Laboratories (prédécesseur de sanofi-aventis) et publié par le Dr Gupta en 2000. Contrairement à la méta-analyse de Casciano/Shear, la méta-analyse a surtout pris en compte des essais portant sur le Penlac, mais principalement les essais contrôlés randomisés à double insu portant sur les médicaments systémiques, donnant lieu à un préjugé prévisible et reconnu. Ces résultats ne sont pas conformes aux essais et aux études plus fiables. Le GCMUH n'a pas estimé qu'il était fiable. Le Dr Gupta a reconnu certaines de ces limites dans l'étude elle-même et lors du contre-interrogatoire. De même, le Panel n'a pas accordé beaucoup d'importance à cette méta-analyse

Conclusion au sujet de l'équivalence clinique

81. Après avoir conclu que le Penlac est beaucoup moins efficace que le Lamisil ou le Sporanox, et que les avantages du Penlac ne contrebalancent pas l'efficacité moindre, le Panel conclut que le Penlac n'est pas équivalent sur le plan clinique au Lamisil et au Sporanox, et n'appartient pas à la catégorie thérapeutique de ces médicaments aux fins d'examen en vertu des alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1) de la Loi.

Fardeau de la preuve et Lignes directrices

82. Il est clair à partir de la jurisprudence du Conseil et il était convenu par les parties que (1) il incombe au personnel du Conseil de prouver selon la prépondérance des probabilités que le prix du Penlac fût excessif au sens où l'expression est utilisée dans la Loi; et (2) le personnel du Conseil ne peut se conformer à cette obligation simplement en montrant que le prix du Penlac était plus élevé que le prix MNE découlant de l'application des Lignes directrices.

83. sanofi-aventis a allégué que le personnel du Conseil s'est simplement fondé sur les Lignes directrices pour établir sa preuve. Le Panel est en désaccord. La disposition pertinente des Lignes directrices dans la présente instance est l'exigence de l'équivalence clinique dans une catégorie thérapeutique, car ce terme est utilisé aux alinéas (b) et (c) du paragraphe 85(1). C´est en grande partie une question d'argument et pour les motifs énoncés précédemment, le Panel partage la position du personnel du Conseil voulant que l'équivalence clinique soit l'essence de la catégorie thérapeutique établie conformément à ces dispositions de la Loi. La décision du Panel sur ce point n'est pas fondée simplement sur la conclusion que le prix du Penlac excédait le prix MNE qui a découlé de l'application des Lignes directrices, mais plutôt sur une conclusion que les Lignes directrices, dans la présente affaire, offraient une application appropriée de la Loi. Par conséquent, le prix du Penlac était excessif au sens de la Loi.
Autres arguments liés à l'exigence d'équivalence clinique

84. sanofi-aventis était en désaccord avec les motifs de l'exigence de l'équivalence clinique pour trois raisons particulières.

85. sanofi-aventis a soutenu que, dans cette affaire particulière, alors que le Penlac était moins cher que le Lamisil et le Sporanox, même s'il avait été classé dans la même catégorie thérapeutique que ces médicaments, son prix n'aurait pu augmenter pour atteindre le prix de ces médicaments parce qu'il était assujetti aux augmentations de l'IPC après son lancement sur le marché à un prix inférieur à celui des médicaments systémiques.

86. Cependant, cela n'est pas un facteur de l'analyse faite par le Panel. Ce dernier n'accorde pas d'importance au fait que, pris seul, le Penlac coûte moins cher que les médicaments systémiques. Le prix des médicaments n'appartenant pas à la même catégorie thérapeutique qu'un médicament assujetti à un examen n'est pas un facteur à prendre en compte en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi. Dans tous les cas, il serait très difficile, et quelque peu arbitraire, d'établir un prix non excessif pour un médicament en faisant référence aux prix de médicaments non comparables qui traitent la même condition. Alors qu'en général (tel qu'il est prévu dans la Loi) on peut logiquement établir des prix non excessifs pour les médicaments en faisant référence aux prix des médicaments comparables, il n'existe aucune mesure évidente ni aucun ensemble de principes de la relation appropriée entre le prix des médicaments non comparables qui traitent la même condition.

87. Par conséquent, même si la Loi permettait au Panel d'évaluer le prix du Penlac en faisant référence aux prix des médicaments qui ne sont pas dans sa catégorie thérapeutique, le Panel n'a aucun moyen (et sanofi-aventis n'en a suggéré aucun) d'évaluer si le prix du Penlac était suffisamment inférieur aux prix des médicaments systémiques. Par contre, les prix internationaux du Penlac sont stipulés dans la Loi comme étant un facteur de comparaison pertinent et offrent une base logique et objective de comparaison.

88. Sur un deuxième point, sanofi-aventis fait remarquer, correctement du point de vue du Panel, que le critère strict d'inclusion à une catégorie thérapeutique aura tendance à laisser plus de médicaments sans catégorie thérapeutique, ce qui fera que les prix MNE de ces médicaments seront déterminés par la comparaison du prix international médian. Souvent, étant donné que les médicaments brevetés (en particulier aux États Unis) sont plus dispendieux à l'échelle internationale qu'au Canada, il pourrait en résulter des prix MNE plus élevés. La comparaison du prix international médian est habituellement perçue comme une autorisation en vertu des Lignes directrices à pratiquer un prix plus élevé pour les médicaments constituant une découverte ou une amélioration importante par rapport aux médicaments existants.

89. Alors que cela est vrai, le résultat n´est pas déraisonnable. Les Lignes directrices appliquent le paragraphe 85(1) de la Loi, et ce paragraphe énonce seulement deux facteurs de comparaison (autres que les changements de l'IPC, qui ne sont pas pertinents ici ) du prix d'un médicament au Canada afin de déterminer si un prix est excessif : le prix du médicament à l'étranger et le prix d'autres médicaments de la même catégorie thérapeutique. Lorsqu'un médicament n'a aucune catégorie thérapeutique, le facteur qui reste est son prix à l'étranger.

90. Tel qu'il est noté, la comparaison du prix international médian est désavantageuse pour sanofi-aventis dans le cas particulier du Penlac. Toutefois, c'est une conséquence de la décision en matière d'établissement de prix prise par ce dernier. La logique de la comparaison du prix international médian elle-même est, tel qu'il est souligné ci-après, une application juste et équitable de l'exigence de tenir compte des prix internationaux au moment de déterminer si un médicament a été vendu à un prix excessif au Canada. Les Lignes directrices contiennent deux tests pour l'application de l'alinéa (c) du paragraphe 85(1) : la comparaison du prix international le plus élevé et la comparaison du prix international médian. Le premier dispose que le prix d'un médicament breveté sera jugé excessif s'il est vendu au Canada à un prix qui est supérieur au prix dans les pays comparateurs. (Cela n'a jamais été allégué relativement au Penlac.) Le deuxième test dispose que le prix au Canada d'un médicament qui est une découverte ou une amélioration substantielle, ou d'un médicament qui n'a aucune catégorie thérapeutique, sera jugé non excessif s'il ne dépasse pas la médiane des prix internationaux.

91. Le test de la comparaison du prix international médian n'oblige pas le titulaire de brevet de vendre le médicament au Canada au prix le plus bas auquel il est vendu dans les pays désignés, ni n'autorise celui-ci à vendre le médicament au Canada au prix le plus élevé auquel il est vendu dans les pays désignés. Le Panel estime que la comparaison du prix international médian est un compromis équitable qui récompense habituellement les titulaires de brevet pour les améliorations et les découvertes dans les médicaments qu'ils fabriquent, et le test a l'avantage pour ces derniers d'être clair et objectif. De même, le Panel conclut que la comparaison du prix international médian est une application appropriée de l'alinéa (c) du paragraphe 85(1) de la Loi.

92. Dans la présente instance, la conclusion est que la comparaison du prix international médian est désavantageuse pour sanofi-aventis à la suite de ses décisions en matière d'établissement des prix. On pourrait préciser davantage les Lignes directrices afin d'aborder le point soulevé par sanofi-aventis en indiquant, par exemple, que lorsque le test de la comparaison du prix international médian est nécessaire parce qu'il n'existe aucune catégorie thérapeutique, et que lorsqu'il n'y a aucune catégorie thérapeutique parce que le nouveau médicament à l´étude est beaucoup moins efficace ou moins sûr que les médicaments existants pour la même condition, alors le prix MNE au Canada est le plus bas des prix internationaux pour le médicament. À défaut, le Panel pourrait s'éloigner des Lignes directrices et prescrire un tel prix MNE dans la présente décision, vraisemblablement, au désavantage de sanofi-aventis. Ici encore, lorsque le prix du médicament au Canada et à l'étranger est le seul facteur pertinent du paragraphe 85(1), le Panel peut conclure qu'il est incapable d'évaluer si le Penlac a été vendu à un prix excessif, ce qui nécessiterait d'avoir recours aux facteurs énoncés au paragraphe 85(2) (coûts de réalisation et de mise en marché du médicament). Toutefois, comme ces points n'ont pas été examinés à fond durant l'audience, le Panel laissera l'affaire à l'étude de l'ensemble du Conseil pour des affaires subséquentes. Quoi qu'il en soit, le Panel conclut que, en utilisant les prix du Penlac au Canada et à l'étranger, et en appliquant la comparaison du prix international médian, il peut déterminer que le Penlac a été vendu à un prix excessif au Canada.

93. Sur ce sujet, le Panel peut préciser les Lignes directrices en faisant observer qu'au moment d'appliquer l'article 8.4 des Lignes directrices sur les prix excessifs, dans lesquelles on indique que le prix des médicaments de la catégorie 2 devrait être établi en référence aux produits médicamenteux utilisés pour la comparaison du prix selon la catégorie thérapeutique et à la médiane des prix internationaux obtenus au moyen du test de comparaison des prix internationaux, les médicaments comparables du test de comparaison du prix selon la catégorie thérapeutique seront habituellement ceux qui, en l'absence des nouveaux médicaments où l'efficacité et l'innocuité ont été améliorées, seraient dans la même catégorie thérapeutique que les médicaments à l'étude.

94. Le troisième désaccord de sanofi-aventis avec l'exigence de l'équivalence clinique était qu'elle ne convenait pas à l'innocuité améliorée, en collaboration avec l'efficacité relative. Le Panel a expliqué, plus tôt dans les présents motifs, pourquoi les différences dans l'innocuité ne contrebalançaient pas une efficacité inférieure dans l'établissement d'une catégorie thérapeutique.

Ordonnance

95. Le Panel a examiné l'ordonnance préliminaire présentée avec les arguments finaux écrits du Conseil et estime qu'elle est appropriée dans sa forme et son contenu. Elle est fondée sur la preuve qui a été déposée durant l'audience et qui a été acceptée par le Panel comme étant les divers prix auxquels le Penlac a été vendu au Canada et dans les pays de comparaison et le volume de vente au Canada au cours des périodes de rapport pertinentes. Ces données servent pour établir les prix MNE du Penlac durant la période pertinente et les recettes excessives correspondantes pour chaque période, dont le montant cumulatif s'élève à 9 409 074,36 $. Une ordonnance correspondante accompagne les présents motifs.

Membres du Conseil : Dr Brien G. Benoit, Mary Catherine Lindberg, Anne Warner La Forest

Avocat du Conseil : Gordon Cameron

Comparutions

Pour le personnel du Conseil : Guy Pratte, avocat, Kirsten Crain, avocate, Nadia Effendi, avocate

Pour l'intimée : Martin Mason, avocat, Graham Ragan, avocat

Sylvie Dupont
Secrétaire du Conseil

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