CEPMB-99-D3-NICODERM

DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, modifiée dans : L.R.C. (1985), ch. 33 (3e supp.), et à nouveau dans : L.C. (1993), ch. 2
ET DANS L'AFFAIRE DE Hoechst Marion Roussel Canada Inc. (intimée)
et du médicament Nicoderm

DÉCISION CONCERNANT LA COMMUNICATION DE DOCUMENTS

Le présent document expose la décision du Conseil concernant la motion soumise par le personnel du Conseil d'ordonner à Hoechst Marion Roussel Canada (“HMRC”) de produire les documents dits pertinents à la motion de HMRC relative à la compétence du Conseil dans cette affaire.

A. Introduction

Nicoderm est la marque de commerce d'un timbre transdermique de nicotine qui, lorsque placé sur la peau, libère de la nicotine dans le sang de manière à remplacer la nicotine de la cigarette. Ce timbre est utilisé pour atténuer partiellement les symptômes de sevrage à la nicotine. Il est commercialisé au Canada par HMRC.

Le 20 avril 1999, le Conseil a émis un avis d'audience en vertu des articles 83 et 85 de la Loi sur les brevets (la Loi). L'objet de cette audience est de déterminer si HMRC vend ou a vendu son timbre transdermique Nicoderm à des prix excessifs et, le cas échéant, s'il l'a fait par mégarde ou sciemment en vertu d'une politique de l'entreprise. Le Conseil ne peut exercer sa compétence en vue d'empêcher les prix excessifs que sur les médicaments brevetés et ne peut exercer ses recours qu'à l'encontre des titulaires de brevets pharmaceutiques. Le 25 mai 1999, HMRC a déposé un avis de motion demandant que le Conseil annule son Avis d'audience, soutenant que le Conseil n'avait pas la compétence requise pour émettre tel avis. Comme nous le verrons, HMRC a contesté la reconnaissance de Nicoderm comme médicament au sens qu'en donne la Loi, sa reconnaissance à titre de breveté ainsi que l'association des brevets au Nicoderm.

Le personnel du Conseil a fait valoir que pour lui permettre de répondre aux allégations de HMRC, il devait avoir accès à certains documents dont HMRC, des sociétés apparentées ou des partenaires commerciaux ont en leur possession. HMRC ayant refusé de produire ces documents, le personnel du Conseil a présenté une motion pour obliger HMRC à les produire.

B. La position de HMRC concernant les brevets

Tel qu'indiqué dans l'Avis d'audience, le personnel du Conseil fait référence à trois brevets présumément associés au Nicoderm ainsi qu'à deux demandes de brevets qui semblent également être pertinentes aux problèmes qui y sont décrits.

Pour un de ces brevets, à savoir celui portant le numéro 1,338,700, HMRC a reconnu son association au Nicoderm.

Pour les deux autres brevets que le personnel du Conseil associe directement au Nicoderm (brevets canadiens nos 1,331,340 et 1,333,689), HMRC a nié dans sa motion tout rapport avec le Nicoderm. Quant au brevet canadien no 1,331,340, HMRC a indiqué qu'il ne peut être considéré un breveté au sens qu'en donne la Loi.

Concernant les deux demandes de brevet (nos 2,032,446 et 2,040,352) HMRC a étayé très sommairement sa position, prétendant que le Conseil ne peut émettre une ordonnance visant des demandes de brevet.

C. Position des parties concernant la communication des documents

Le personnel du Conseil a déposé une argumentation écrite et détaillée faisant valoir qu'il devait avoir accès aux documents dont HMRC et (ou) ses sociétés apparentées ont la possession exclusive pour qu'il puisse répliquer adéquatement aux objections formulées par HMRC. À cet égard, le personnel du Conseil a invoqué les liens qui existent entre HMRC et Alza Corporation USA établie (du moins en partie) par l'entente de développement et de production sous licence datée du 27 novembre 1989 et sa version modifiée datée du 28 juin 1996 et comme en font aussi foi les documents et l'information concernant les droits et les obligations de HMRC concernant les brevets et les demandes de brevet dont il est fait état dans l'Avis d'audience.

HMRC a répondu au moyen de mémoires écrits dans lequel elle mentionne plusieurs raisons pour lesquelles elle ne devrait pas être tenue de soumettre les documents demandés. HMRC allègue en premier lieu que la motion devrait être rejetée sans analyse des documents demandés étant donné que :

  1. Le personnel du Conseil n'a pas fourni la preuve nécessaire pour étayer sa motion
  2. Le personnel du Conseil devrait devrait être tenu de réfuter la contestation de HMRC quant à la compétence du Conseil dans cette affaire exclusivement avec l'information sur laquelle il s'est fondé pour justifier la compétence du Conseil
  3. Le personnel du Conseil a déposé prématurément sa motion, HMRC n'ayant pas eu le temps de déposer ses éléments de preuve à l'appui de sa contestation.

HMRC est d'avis qu'elle ne devrait pas être tenue de produire les documents demandés par le personnel du Conseil puisque, à la lumière de la juste interprétation des dispositions du contrat et de l'interprétation des pouvoirs dont est légalement investi le Conseil en ce qui concerne les brevets et les demandes de brevet, les documents demandés ne sont pas pertinents à la contestation de la compétence du Conseil dans cette affaire par HMRC.

D. Discussion

1. Aucun témoignage à l'appui de la motion

HMRC a fait valoir que le personnel du Conseil aurait dû déposer des témoignages par affidavit à l'appui de sa motion. Le personnel du Conseil estime pour sa part que les documents demandés sont pertinents aux points contestés par HMRC comme il pourra l'être démontré au vu de la preuve. Pour être plus précis, le personnel du Conseil soutient que considérant les allégations exprimées dans l'Avis d'audience et les motifs évoqués par HMRC pour contester la compétence du Conseil, aucun témoignage n'est requis pour discuter de la pertinence des documents demandés.

Le Conseil est d'avis que la motion peut être tranchée d'une manière satisfaisante au vu de la preuve sans qu'une déposition par affidavit ne soit requise. Le Conseil a pu prendre une décision concernant cette motion sans se référer aux arguments invoqués par les différentes parties concernant l'obligation de soumettre un témoignage par affidavit.

2. Le personnel doit défendre sa position concernant la motion de HMRC en se fondant exclusivement sur les documents et l'information actuellement à sa disposition

HMRC a fait valoir qu'étant donné que le personnel du Conseil est arrivé à la conclusion que le Conseil avait compétence sur les questions soulevées dans l'Avis d'audience, il ne doit pouvoir compter que sur l'information à laquelle il avait accès au moment où il est arrivé à cette conclusion pour contester les allégations de HMRC concernant la compétence du Conseil.

Aucune jurisprudence n'a été citée pour cette proposition et le Conseil ne l'a pas retenue. Le Conseil demande accès aux dossiers les plus complets possible afin de bien étayer sa décision concernant sa compétence. Le personnel du Conseil peut soumettre sa preuve à l'encontre d'une contestation concernant la compétence du Conseil tout comme HMRC peut soumettre ses éléments de preuve à son appui. Si les éléments que le personnel du Conseil compte utiliser pour étayer sa preuve se trouvent sous le contrôle exclusif de HMRC et s'il apparaît approprié d'émettre une ordonnance de produire les documents et autres éléments d'information requis, le Conseil a l'autorité en vertu de la Loi et de ses Règles d'émettre une telle ordonnance.

3. La motion est prématurée

HMRC considère que le personnel du Conseil devrait attendre que HMRC ait déposé ses éléments de preuve à l'appui de sa motion de contestation avant de demander la production de certains documents.

Le Conseil compte une bonne expertise dans le traitement des problèmes sousjacents aux questions telles «Qui est le breveté ?», «Est-ce un médicament ?» et «Ce brevet porte-t-il sur le médicament ?» et de l'information à la lumière de laquelle ces questions sont discutées. Le Conseil estime que l'information complète concernant la relation d'affaires entre HMRC et ses sociétés apparentées est pertinente aux questions que soulève la motion de HMRC. D'autres questions pourront également être soulevées après que HMRC aura déposé les éléments de preuve concernant la motion, mais il semble raisonnable à ce moment-ci de produire les documents portant sur des aspects pour lesquels le Conseil est en mesure d'en confirmer la pertinence.

Ainsi, le Conseil considère que la motion du personnel du Conseil n'est pas prématurée.

4. Le fonds de la motion - les documents ne sont pas pertinents

HMRC soutient qu'étant donné que la motion s'intéresse à la juste interprétation de dispositions contractuelles pertinentes, (des ententes intervenues entre Alza Corporation et HMRC) et à la juste description de la compétence du Conseil, les documents et l'information que demande le personnel du Conseil ne sont pas pertinents aux questions que HMRC soulève dans sa motion. Le personnel du Conseil n'accepte pas les interprétations des ententes ou de la Loi que donne HMRC.

Beaucoup des arguments invoqués par HMRC se fondent sur les points qui seront abordés dans le cours du débat sur la motion et qui devront être réglés avant que le Conseil ne puisse déterminer les droits de HMRC aux avantages qui découlent des brevets en cause. La demande de communication vise à recueillir des éléments de preuve sur ces points afin d'éclairer le jugement du Conseil concernant la contestation de sa compétence engagée par HMRC. Si le Conseil était en mesure d'arriver à une conclusion quant aux obligations légales engagées entre HMRC et ses sociétés affiliées de façon telle que certains de ces documents s'avéreraient non pertinents, le Conseil n'émettrait pas une ordonnance de production de ces documents. Toutefois, le Conseil n'est pas arrivé à une telle conclusion à ce moment-ci.

Comme nous l'avons mentionné, ce n'est pas la première fois que le Conseil tranche des débats sur ce sujet. Ces aspects ont été discutés avec de nombreux brevetés et ont dans certains cas fait l'objet du même type de contestation quant à la compétence du Conseil que celle que le Conseil est actuellement appelé à trancher. Les documents demandés par le personnel du Conseil correspondent aux documents que le Conseil s'attend à pouvoir consulter pour éclairer son évaluation du bien-fondé de la motion présentée par HMRC. Exclusion faite de l'exception discutée ci-après, les documents demandés par le personnel du Conseil semblent pertinents aux motifs invoqués par HMRC à l'appui de sa motion.

Il convient ici de rappeler que la question sur laquelle porte la présente étape des procédures est la communication de certains documents. La production de ces documents donne lieu à une certaine charge de travail administratif, mais ne cause aucun préjudice à HMRC. En effet, les documents ne feront pas partie du dossier de cette procédure, tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas été acceptés par le panel du Conseil qui doit entendre la question à titre d'élément de preuve soumis par l'une des parties. Par ailleurs, le personnel du Conseil respectera le caractère confidentiel des documents qui seront portés à sa connaissance et HRMC pourra, avant qu'ils ne soient rendus publics dans le cadre de l'audience, demander au Conseil, en vertu de l'alinéa 86(1) de la Loi de respecter le caractère confidentiel de certains éléments d'information ou de certains documents afin de protéger ses intérêts individuels. Si le personnel du Conseil tente de faire valoir à l'encontre de la motion des éléments de preuve que HMRC considère non pertinents (y compris toute information ou tout document produit conformément à la décision du Conseil concernant cette motion), l'argument en faveur de l'exclusion de ces éléments de preuve pourra alors être formulé.

Le Conseil reconnaît, à l'instar de HMRC, que l'information demandée au paragraphe 8 de la motion du personnel du Conseil (données sur les ventes de Nicoderm avant 1996) n'est pas pertinente à la contestation de la compétence du Conseil dans cette affaire. Le Conseil a l'autorité d'ordonner la production de cette information, mais étant donné que l'objet officiel de la motion du personnel du Conseil est d'obtenir l'information pertinente à la motion, le Conseil estime qu'il n'est pas approprié pour l'instant d'émettre une ordonnance de production de l'information décrite au paragraphe 8 du mémoire du personnel du Conseil à ce moment-ci.

5. Confidentialité

Dans ses mémoires écrits concernant cette motion, HMRC a exprimé certaines préoccupations concernant le respect du caractère confidentiel de l'information et des documents soumis au Conseil, mais n'a pas présenté une motion à cet égard. La question a été réglée d'une façon consensuelle au cours de l'audience sur la motion en retirant certains paragraphes du mémoire du personnel du Conseil qui constitue un document public.

6. Observations générales

L'ordonnance qui suit détermine la portée de l'information et des documents dont la communication semble dans les circonstances appropriée. Le Conseil traiterait comme une offense très grave tout défaut par HMRC de produire l'information et les documents demandés. Le Conseil enjoint HMRC de produire les documents en consultation avec le personnel du Conseil et plus particulièrement en ce qui concerne les aspects sur lesquels HMRC n'apprécie pas être tenue de fournir de l'information ou des documents. Une telle consultation pourrait favoriser une entente notamment sur l'inutilité de fournir plusieurs copies de documents identiques et autres. Le Conseil souhaite que la communication de l'information et des documents demandés conformément aux modalités de l'ordonnance permettra d'éviter d'autres procédures.

E. Ordonnance

Pour toutes les raisons susmentionnées, le Conseil ordonne à HMRC de remettre au personnel du Conseil d'ici le 30 août 1999 des copies des documents demandés et une ou des déclarations sous serment attestant la conformité de l'information décrite dans les alinéas 1 à 7 de l'Avis de motion au personnel du Conseil daté du 27 mai 1999.

Membres du Conseil :

Robert G. Elgie, Président
Réal Sureau
Anthony Boardman
Ingrid Sketris

Avocat du Conseil:

Gordon K. Cameron

Sylvie Dupont-Kirby
Secrétaire du Conseil

Le 3 août 1999

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