10 avril 2008 Décision : CEPMB-06-D3-ADDERALL XR - Décision sur le fond

DANS L’AFFAIRE DE la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, c. P-4, dans sa version modifiée ET DANS L’AFFAIRE DE Shire BioChem Inc. (l’« intimé ») et de son médicament « Adderall XR »

Introduction

1. La présente instance devant le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le « Conseil ») porte sur le prix du médicament « Adderall XR », un médicament breveté vendu au Canada par Shire BioChem Inc. (« Shire ») et indiqué pour le traitement de l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Selon le personnel du Conseil, Shire a vendu son médicament Adderall XR au Canada à des prix excessifs, contrevenant ainsi aux dispositions de la Loi sur les brevets (la « Loi »). Shire conteste cette allégation. Janssen-Ortho Inc. (« Janssen-Ortho »), qui commercialise le médicament « Concerta », aussi indiqué pour le traitement de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, est partie intervenante dans l’affaire en raison de l’incidence que la décision qui sera rendue dans la présente affaire pourrait avoir sur le prix de son médicament.

2. À tour de rôle, le personnel du Conseil et Shire ont présenté leurs éléments de preuve au panel du Conseil (le « Panel ») dans le cadre d’une audience publique qui a duré 11 jours et qui a reçu à la barre 14 témoins. Souvent, les éléments de preuve étaient extrêmement complexes et très techniques d’un point de vue médical, scientifique, économique et sociologique. L’affaire a permis de soulever des points importants quant à la façon dont le Conseil doit juger si le prix d’un médicament est ou non excessif.

3. Après avoir évalué avec soin tous les éléments de preuve déposés et tous les arguments invoqués – et dont les grandes lignes sont résumées dans les présents motifs – le Panel est arrivé à la conclusion que Shire vend et a vendu son médicament breveté Adderall XR à des prix considérés excessifs aux termes de la Loi. Par ailleurs, à l’instar de Shire, le Panel estime que le médicament Adderall XR offre pour le traitement de l’hyperactivité avec déficit de l’attention des bienfaits qui pourraient justifier des prix plus élevés que ceux qu’autorisent actuellement les Lignes directrices sur les prix excessifs du Conseil (les « Lignes directrices »). Autrement dit, le Panel a établi des paramètres en vertu desquels le prix maximal non excessif (prix MNE) du médicament Adderall XR est plus élevé que le prix autorisé en vertu des Lignes directrices.

4. Il est à noter que le Panel a conclu que le personnel du Conseil s’est adéquatement acquitté de son obligation en calculant le prix MNE du médicament Adderall XR de la façon prescrite dans les Lignes directrices. Précisons que le personnel du Conseil n’est pas habilité à déroger des Lignes directrices de la façon que le suggère le Panel dans sa conclusion. Sous réserve des observations formulées ci-après concernant l’importance que le panel d’audience doit accorder aux Lignes directrices, la présente affaire a été traitée d’une façon que le Panel juge appropriée dans les circonstances : le personnel du Conseil est arrivé à la conclusion que le prix du médicament Adderall XR était plus élevé que le prix autorisé en vertu des Lignes directrices; l’affaire a fait l’objet d’une audience dans le cadre de laquelle le personnel du Conseil a défendu la valeur des Lignes directrices et démontré que le prix du médicament était supérieur au prix autorisé par celles-ci, et le breveté a défendu le prix de son médicament à la fois en tenant compte des Lignes directrices et sans égard à celles-ci. Enfin, le Panel a analysé les éléments de preuve qui lui ont été présentés ainsi que la Loi et les Lignes directrices.

5. Dans le présent cas, le Panel est arrivé à la conclusion que le personnel du Conseil avait correctement appliqué les Lignes directrices, mais que, dans le cas particulier du médicament Adderall XR, les Lignes directrices ne permettaient pas l’application appropriée des dispositions de la Loi. Le Panel estime en effet que le prix du médicament Adderall XR défendu par Shire est excessif, mais par ailleurs que le prix autorisé par les Lignes directrices est inférieur au niveau qui devrait être considéré excessif. Le Panel a donc adopté des paramètres pour inscrire le prix non excessif du médicament Adderall XR entre le prix fixé par le breveté et le prix MNE calculé par le personnel du Conseil.

Contexte

6. L’hyperactivité avec déficit de l’attention, la condition psychiatrique la plus courante chez les enfants, touche entre 4 et 12 % de ce segment de la population. Les principaux symptômes de cette condition sont l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité. L’hyperactivité avec déficit de l’attention est souvent accompagnée d’autres troubles psychiatriques, dont la dépression, l’anxiété et des troubles de comportement.

7. Depuis une cinquantaine d’années, les médecins savent que les symptômes de ce que nous appelons aujourd’hui l’« hyperactivité avec déficit de l’attention » peuvent être atténués par des psychostimulants, dont les amphétamines. Il semble que cette condition soit attribuable au mauvais fonctionnement au niveau du cerveau de deux messagers chimiques (neurotransmetteurs) et que les psychostimulants améliorent leur fonctionnement. Les amphétamines couramment utilisées pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention sont le Benzedrine et le Dexedrine. Le médicament « Ritalin » utilise un autre stimulant (le méthylphénidate), soit le même stimulant que celui présent dans le médicament « Concerta » de Janssen-Ortho.

8. La formulation du médicament Adderall XR est à deux égards différente de celles du Benzedrine et du Dexedrine. Premièrement, le médicament Adderall XR est un mélange unique de deux formes d’amphétamines, dont une forme est utilisée dans le Dexedrine. Par rapport au Benzedrine, les proportions du mélange sont différentes. Deuxièmement, et c’est l’essence de la preuve présentée dans la présente affaire, l’amphétamine utilisée dans la gélule du médicament Adderall XR est enrobée de multiples couches, ce qui a pour effet de permettre la diffusion rapide d’une dose d’amphétamine lorsque la gélule est prise le matin puis la libération progressive du reliquat du médicament pendant le reste de la journée.

9. Grâce à ce procédé de libération progressive de l’amphétamine, le patient ne doit prendre qu’une gélule par jour du médicament Adderall XR pour maintenir un niveau adéquat du médicament dans son sang pendant toute la journée. Avant le Adderall XR, les médicaments administrés pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention libéraient la totalité de leur ingrédient actif peu de temps après leur absorption, rendant nécessaire l’administration de deux ou de trois doses par jour, tout dépendant de l’heure à laquelle le médicament était administré.

10. Selon Shire (et selon également Janssen-Ortho qui a vanté les mérites de son médicament Concerta), l’administration d’une dose quotidienne de son médicament est avantageuse pour le patient, pour les parents du patient, pour les enseignants de l’enfant et pour la société en général. Au nombre des bienfaits que procure le médicament et que nous décrirons plus amplement plus loin, citons le maintien d’un niveau plus constant d’amphétamines dans le corps pendant la journée, la facilité d’utilisation du médicament, des économies pour la société et une stigmatisation moins grande du patient du fait qu’il n’a pas à prendre une deuxième dose du médicament à la mi-journée (avantage non négligeable pour les enfants d’âge scolaire) et une diminution du risque d’utilisation du médicament à d’autres fins que médicales.

11. Shire et Janssen-Ortho soutiennent que le Conseil doit prendre ces bienfaits en considération lorsqu’il est appelé à décider si le prix du Adderall XR est ou non excessif aux termes de la Loi. Le régime en vertu duquel le Conseil détermine si un médicament est ou non vendu à un prix excessif permet qu’un médicament soit vendu à un prix plus élevé que les médicaments existants indiqués pour traiter la même condition sans que ce prix soit réputé excessif et ce, dans la mesure où le médicament constitue une « amélioration importante » par rapport aux médicaments existants. Par contre, si le médicament ne constitue pas une amélioration importante, son prix doit se situer dans la fourchette des prix des médicaments existants.

Le cadre légal

a) Article 85 de la Loi

12. Aux termes de l’article 85 de la Loi, lorsqu’il est appelé à décider si le prix d’un médicament vendu au Canada est ou non excessif, le Conseil doit tenir compte de différents facteurs permettant une comparaison du prix du médicament avec (1) les prix de médicaments comparables et (2) les prix de vente à l’étranger du médicament sous examen. L’article 85 de la Loi prévoit également que le Conseil doit tenir compte des augmentations du prix du médicament, mais ce facteur n’est pas pertinent dans la présente affaire.

b) Le rôle des Lignes directrices

13. Comme l’a fait valoir le Conseil dans sa décision dans l’affaire de LEO Pharma, il est évident que le Parlement a sciemment libellé d’une façon très générale les facteurs de fixation du prix mentionnés dans l’article 85. Dans son article 96, la Loi prévoit que le Conseil peut formuler des lignes directrices, ce qu’a d’ailleurs fait le Conseil pour l’application des facteurs généraux mentionnés dans l’article 85 de la Loi (les « Lignes directrices »).

14. Il faut bien définir l’importance que revêtent les Lignes directrices et veiller à ne pas sous-estimer ou surestimer leur rôle. Tel qu’il en a été fait mention dans la décision dans l’affaire de LEO Pharma, certaines lignes directrices sont essentielles pour permettre l’application des facteurs généraux mentionnés dans l’article 85 de la Loi. Dans la décision dans l’affaire de LEO Pharma, le Conseil a affirmé les principes suivants, qui ont été confirmés par la Cour fédérale lors de la révision judiciaire de la décision :

Pour simplifier la terminologie du paragraphe 85(1), on peut dire qu’il exige que le Conseil détermine si le prix d’un médicament au Canada est excessif ou non (en tenant compte des variations de l’indice des prix à la consommation) en comparant le prix du médicament au Canada [85(1)a)] au :

  1. prix de médicaments comparables au Canada [85(1)b)];
  2. prix du médicament dans d’autres pays [85(1)c)];
  3. prix de médicaments comparables dans d’autres pays [85(1)c)].

Les facteurs fixés au paragraphe 85(1) constituent tous les facteurs dont le Conseil peut tenir compte et le Conseil doit bien examiner chacun d’entre eux au cours de l’étude du prix d’un médicament dans le cadre d’une ordonnance potentielle en vertu de l’article 83 de la Loi.

Toutefois, tout en indiquant au Conseil les facteurs dont il doit tenir compte, l’article 85 ne précise pas la façon dont ces facteurs doivent être utilisés ou pondérés pour évaluer si le prix d’un médicament est excessif ou non. En d’autres termes, l’article 85 ne fournit pas de formule que le Conseil peut utiliser pour calculer le prix MNE d’un médicament.

En particulier, deux éléments du paragraphe 85(1) exigent que le Conseil fasse preuve de discrétion, de bon jugement et d’expertise et le cas échéant, qu’il tienne compte des renseignements fournis par les intervenants et des compromis qui ont mené à l’élaboration des Lignes directrices, afin de déterminer si oui ou non les facteurs énoncés à l’article 85 indiquent que le prix d’un médicament est excessif.

Tout d’abord, l’exécution d’une comparaison ne mène pas à une conclusion qui doit découler de cette comparaison. L’article 85 laisse au Conseil la discrétion de déterminer la pertinence de chaque comparaison et de toutes les comparaisons prises ensemble. Par exemple, l’article 85 ne stipule pas que, si le prix d’un médicament est plus élevé au Canada que dans tous les autres pays, il est excessif, ni que, s’il est plus bas au Canada que dans les autres pays, il ne l’est pas. Il faut d’abord comparer le prix d’un médicament au Canada à celui dans d’autres pays, puis évaluer la pertinence de cette comparaison. Et ainsi de suite avec chacune des autres comparaisons, puis toutes les comparaisons ensemble.

Deuxièmement, et de façon connexe, chacune des comparaisons indiquées à l’article 85 pourrait mener le Conseil à une différente conclusion. Il existe un certain nombre de permutations. Par exemple, un médicament peut être vendu au Canada à un prix inférieur à celui dans d’autres pays, mais à un prix plus élevé que des médicaments comparables vendus au Canada, ou vice versa. Il faut tenir compte de chacune des trois comparaisons, puis de leur pondération, et déterminer les liens entre elles.

Le besoin de conciliation est évident dans l’application de l’article 85 de la Loi puisque chacun des facteurs pris de façon isolée n’oriente pas la décision dans unedirection, mais selon la pertinence de la comparaison elle-même, elle pourrait mener à une conclusion différente. Il pourrait, sur le plan logique, être impossible pour le Conseil d’accorder une pondération égale à chacun des facteurs, ou il pourrait être logique, après avoir tenu compte de tous les facteurs d’accorder à un ou à plusieurs facteurs principaux un poids décisif, sinon, il pourrait en résulter des conflits irréconciliables dans les conclusions à tirer de chacun de ces facteurs.

En d’autres termes, le Conseil doit arriver à un seul prix précis qui est le MNE pour un médicament et, il va sans dire, les trois facteurs différents indiqués au paragraphe 85(1) ne permettent pas d’obtenir une seule valeur, pour les deux raisons mentionnées : le fait de comparer ne conduit pas à une conclusion précise et, pour un médicament donné, chacun des trois facteurs pourrait suggérer un prix MNE différent en orientation ou en degré.

15. Le Conseil a formulé ses Lignes directrices après avoir consulté ses intervenants comme l’exige le paragraphe 96(5) de la Loi. Les Lignes directrices visent à structurer la précision et l’intégration des facteurs généraux mentionnés dans l’article 85 de la Loi, à assurer l’équité au moyen d’un traitement juste et uniforme de tous les brevetés et à fournir aux brevetés une orientation quant au processus de calcul du prix MNE des médicaments pour la période de lancement du médicament sur le marché canadien et pour chaque année subséquente durant laquelle le médicament est vendu au Canada.

16. D’autre part, le Conseil n’est pas tenu d’appliquer à la lettre ses Lignes directrices. En outre, des situations non prévues dans les Lignes directrices ou, encore, des changements au niveau des médicaments ou de leur commercialisation au Canada peuvent donner lieu à des circonstances que les Lignes directrices ne sauraient traiter adéquatement. Dans tous les cas où le prix d’un médicament fait l’objet d’une audience publique, le panel du Conseil doit décider si le prix du médicament est ou non excessif aux termes de l’article 85 de la Loi. Dans la mesure où elles couvrent la situation en cause, le panel doit vérifier si les Lignes directrices permettent une application appropriée et raisonnable des facteurs mentionnés dans l’article 85 de la Loi et ce, avant de calculer le prix MNE. Par contre, lorsqu’il apparaît que les Lignes directrices ne permettront pas une application adéquate de l’article 85 de la Loi, le panel doit déroger à celles-ci.

17.Dans son plaidoyer final, le personnel du Conseil a fait valoir que les Lignes directrices établissent le prix MNE d’un médicament dont le prix pourrait être jugé excessif par un panel du Conseil si le breveté ne réussit pas à lui démontrer que le prix de son médicament est conforme aux Lignes directrices. De l’avis du Panel, cet argument amplifie le rôle des Lignes directrices. Dans tous les cas, le Panel d’audience doit avoir la conviction que les éléments de preuve qui lui sont présentés, les arguments, l’application de son expertise et son bon jugement ou, encore, une combinaison des facteurs mentionnés dans les Lignes directrices, permettent d’appliquer d’une façon raisonnable l’article 85 de la Loi. Au moment de juger si l’article 85 de la Loi est raisonnablement appliqué, le panel doit tenir compte de la provenance et du rôle des Lignes directrices, sans présumer qu’elles appliquent adéquatement la Loi.

18. Dans leurs plaidoyers respectifs, Janssen-Ortho et Shire ont sous-estimé dans une certaine mesure l’importance des Lignes directrices dans une audience sur le prix d’un médicament. Le Panel se sent tenu de considérer les Lignes directrices sur les prix excessifs lorsque le personnel du Conseil le saisit d’une affaire concernant le prix d’un médicament dans le cadre d’une audience. Le Panel estime aussi qu’il n’est pas appelé à concilier les facteurs exprimés en termes très généraux dans l’article 85 de la Loi avec les conditions particulières de chaque cas. Pour le Panel, il n’existe pas de choix entre un « processus conforme aux Lignes directrices » pour les brevetés dont les prix MNE de leurs médicaments sont calculés en vertu des Lignes directrices et, d’autre part, un « processus conforme à l’article 85 de la Loi » pour les brevetés assujettis à un examen dans le cadre d’une audience sur le prix.

19. Plutôt, l’article 85 de la Loi s’applique à tous les brevetés tel qu’il est précisé dans les Lignes directrices (dans la mesure où elles contiennent des dispositions applicables), sauf si le Panel arrive à la conclusion que, compte tenu des circonstances particulières du cas, leur application n’apparaît pas raisonnable.

20. Pour que le Panel d’audience arrive à la conclusion que le prix du médicament est excessif aux termes de l’article 85 de la Loi, le personnel du Conseil doit le convaincre que : 1) les Lignes directrices appliquent et précisent adéquatement l’article 85 de la Loi et (2) le prix du médicament dépasse le prix autorisé en vertu des Lignes directrices. Pour démontrer le premier point, le personnel du Conseil devra certainement faire référence à la provenance des Lignes directrices ainsi qu’à l’équité et à la valeur concrète d’un régime qui applique les principes et les pratiques des Lignes directrices. Enfin, le panel d’audience doit avoir la conviction que les Lignes directrices permettent une application judicieuse des dispositions de l’article 85 de la Loi dans les circonstances du cas dont il est saisi.

c) Le fonctionnement des Lignes directrices

21. Les Lignes directrices fournissent une méthode de comparaison du prix du médicament sous examen avec les prix d’autres médicaments de la même catégorie thérapeutique au moyen d’un processus à deux étapes. Ce processus poursuit au moins deux objectifs. Le premier de ces objectifs est que les Lignes directrices incarnent le principe que le breveté a droit à une juste valorisation pour avoir mis au point un médicament qui constitue une découverte ou une amélioration importante pour le traitement d’une condition ou d’une maladie. Ces médicaments sont dits de la « catégorie 2 ».1

22. Lorsque le médicament ne constitue pas une découverte ou une amélioration importante ou qu’il représente à tout le plus une amélioration modeste ou minime par rapport aux médicaments existants, ce médicament est classé dans la « catégorie 3 ».

23. Le second objectif est l’identification des médicaments comparables au médicament sous examen, et l’établissement subséquent de la « catégorie thérapeutique » du médicament sous examen.2

24. Le processus de classement des médicaments dans la catégorie 2 ou dans la catégorie 3 et l’application de tests de prix (dont nous traiterons un peu plus loin) qui varient selon la catégorie du médicament révèlent le niveau d’efficacité du médicament à partir duquel le breveté justifie un prix plus élevé que les prix des médicaments existants utilisés pour traiter la même condition. Le processus de classement des médicaments dans une catégorie peut être abordé sous deux angles. Il donne au breveté la possibilité de vendre son médicament à un prix plus élevé lorsque son médicament constitue une amélioration importante par rapport aux médicaments existants utilisés pour traiter la même condition.

25. Le prix MNE d’un médicament de la catégorie 3 (médicament qui ne constitue pas une découverte ou une amélioration importante par rapport aux médicaments existants pour traiter la condition en question) correspond au prix le plus élevé de tous les autres médicaments de la même catégorie thérapeutique vendus au Canada (« Comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada »).

26. Le prix MNE d’un médicament de la catégorie 2 (médicament qui constitue une découverte ou une amélioration importante) n’est pas nécessairement limité par les prix des médicaments existants. Il est plutôt limité par le prix le plus élevé entre (1) le prix obtenu avec la Comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada3 et (2) la médiane des prix du médicament dans les différents pays de comparaison. La médiane donne un prix plafond souvent plus élevé que le prix obtenu avec la comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada étant donné que les prix des médicaments brevetés ne sont souvent pas réglementés dans les pays de comparaison et sont plus élevés qu’au Canada, notamment aux États-Unis. Comme c’est le cas pour le médicament Adderall XR, si le breveté vend dans les autres pays son médicament à des prix plus élevés que les prix auxquels les médicaments existants sont vendus au Canada, le prix médian international peut alors être plus élevé que le plus élevé des prix des médicaments existants en vente du Canada.

27. Par ailleurs, les Lignes directrices prévoient que le breveté ne peut simplement modifier légèrement un médicament existant pour être autorisé à vendre son médicament plus cher que les médicaments existants vendus au Canada et indiqués pour traiter la même condition. Pour justifier un prix plus élevé, il ne suffit pas de lancer sur le marché canadien un médicament très similaire aux médicaments existants et qui ne constitue pas une amélioration importante au niveau du traitement de la condition pour laquelle le médicament est indiqué.

Considération de la Loi et des Lignes directrices

28. À la lumière de la description donnée de la Loi et des Lignes directrices, on peut comprendre pourquoi, dans la présente affaire, le débat porte sur la question à savoir si le médicament Adderall XR constitue une amélioration importante par rapport aux médicaments existants indiqués pour le traitement de la même condition, lesquels médicaments doivent être administrés plusieurs fois par jour. Selon les témoins du personnel du Conseil, le médicament Adderall XR constitue une amélioration modeste, mais non importante par rapport aux médicaments existants indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention.

29. Selon Shire et ses témoins, les bienfaits associés au médicament Adderall XR par rapport aux médicaments existants qui doivent être administrés plusieurs fois par jour représentent une amélioration importante. Shire soutient aussi que selon les résultats d’une comparaison du prix du médicament Adderall XR avec les prix à l’étranger des médicaments existants utilisés pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention, le prix MNE du médicament Adderall XR devrait être plus élevé que le prix MNE obtenu avec la comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada. De toute façon, considérant les plus grands bienfaits que procure le médicament Adderall XR et ses prix supérieurs pratiqués dans les pays de comparaison, Shire prétend que l’avantage du médicament Adderall XR par rapport aux médicaments de comparaison qui doivent être administrés plusieurs fois par jour justifie un prix plus élevé que le prix MNE obtenu au moyen de la Comparaison selon la catégorie thérapeutique au Canada.

30. Le personnel du Conseil fonde sa position sur le fait que les types de bienfaits dont font état les Lignes directrices comme conditions préalables à un classement dans la catégorie des médicaments constituant « une amélioration importante » portent essentiellement sur l’amélioration des bienfaits thérapeutiques ou, en d’autres termes, sur une réduction des symptômes de la condition et (ou) des effets secondaires par rapport aux médicaments existants. Les Lignes directrices prévoient également qu’un nouveau médicament peut être considéré comme une amélioration importante lorsque ce médicament donne lieu à des économies de coûts appréciables pour le régime de soins de santé.

31. De l’avis des témoins du personnel du Conseil, les éléments de preuve présentés par l’intimé ne sont pas suffisamment probants pour conclure que les patients qui reçoivent le médicament Adderall XR éprouvent des symptômes d’hyperactivité avec déficit de l’attention nettement atténués ou, encore, qu’ils ressentent moins d’effets secondaires que les patients qui prennent les médicaments existants. Même si Shire a tenté de démontrer une amélioration importante des résultats thérapeutiques attribuable à une concentration sérique d’amphétamines plus homogène résultant d’une formulation à libération prolongée de son médicament et une meilleure observance de la posologie grâce à une seule administration quotidienne du médicament, aucun essai clinique comparatif n’a encore confirmé cette prétention. En effet, selon la preuve soumise par le personnel du Conseil, les patients peuvent certes bénéficier de « fenêtres thérapeutiques » grâce aux « creux » de concentration sérique associés aux multiples administrations quotidiennes du médicament. L’observance de la posologie par les patients est très faible tant chez les patients à qui on administre un médicament plusieurs fois par jour que chez ceux à qui on administre le médicament Adderall XR une seule fois par jour.

32. Les témoins du personnel du Conseil ont affirmé que ces allégations ne se fondent sur aucune preuve fiable. Shire a fait venir à la barre des témoins experts qui ont vanté les bienfaits de son médicament – pour les patients, pour les soignants et pour la société – par rapport aux médicaments existants aussi indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention. Les témoins experts du personnel du Conseil ont pour leur part soutenu qu’il n’existe aucune preuve scientifique démontrant ou quantifiant les bienfaits du médicament Adderall XR et affirmé que si des bienfaits étaient démontrés, ils ne constitueraient qu’une amélioration modeste par rapport aux médicaments existants.

33. Concernant les bienfaits décrits par Shire, le personnel du Conseil a fait valoir que les Lignes directrices non seulement identifient les types de bienfaits supplémentaires que doit procurer un nouveau médicament pour qu’il soit considéré comme une amélioration importante par rapport aux médicaments existants, mais elles prévoient spécifiquement que les bienfaits dont Shire vante les mérites, entre autres la facilité d’administration du médicament en raison de sa dose quotidienne unique, ne doivent pas être considérés comme une amélioration importante par rapport aux médicaments existants.

Conclusions

34. Pour les motifs mentionnés ci-après, le Panel conclut qu’il convient dans le présent cas de ne pas appliquer à la lettre les Lignes directrices pour le calcul du prix MNE du médicament Adderall XR. Précisons toutefois que, après analyse détaillée de la question, le Panel est généralement d’accord avec les Lignes directrices selon lesquelles le breveté doit démontrer, avec preuves solides à l’appui, une amélioration statistique et thérapeutique importante des bienfaits thérapeutiques de son médicament ou, encore, un potentiel important d’économies pour le régime de soins de santé pour que son amélioration soit jugée importante par rapport aux médicaments existants. Une amélioration des bienfaits thérapeutiques – à savoir une plus grande efficacité au niveau de l’atténuation des symptômes ou de la réduction des effets indésirables – et une économie substantielle pour le régime de soins de santé sont les principaux objectifs pour lesquels des améliorations sont apportées aux médicaments et ils devraient justifier un prix plus élevé par rapport aux prix des médicaments existants. Le Panel est aussi généralement d’accord avec l’identification que donnent les Lignes directrices des améliorations qui ne devraient pas être considérées importantes. Pour le Panel, ces éléments des Lignes directrices permettent de bien appliquer les facteurs mentionnés dans l’article 85 de la Loi.

35. Le Panel estime également que la distinction que font les Lignes directrices entre les médicaments des catégories 1, 2 et 3 et les différents tests appliqués aux prix pour déterminer le prix maximum non excessif des médicaments de chaque catégorie assurent une bonne application des facteurs mentionnés dans l’article 85 de la Loi.

36. Lorsqu’il a pris la décision de ne pas appliquer à la lettre les Lignes directrices, le Panel était conscient que le personnel du Conseil et les brevetés comptaient dans une certaine mesure sur l’application systématique des Lignes directrices pour assurer une certitude et une prévisibilité des prix et de l’exécution des décisions. Toutefois, tel que mentionné précédemment dans le présent document, le panel d’audience du Conseil doit reconnaître les situations où les Lignes directrices ne s’appliquent pas aux caractéristiques spécifiques d’un médicament donné. Lorsqu’il apparaît que les Lignes directrices ne permettent pas une application raisonnable des facteurs mentionnés dans l’article 85 de la Loi, le Panel doit tout de même tenir compte de ces facteurs et les appliquer d’une façon plus appropriée au prix du médicament en question.

37. Dans cette décision, le Panel n’a pas appliqué à la lettre les Lignes directrices en raison de la combinaison des caractéristiques tout à fait singulières de la condition traitée par le médicament Adderall XR, de la pertinence des améliorations apportées par le médicament Adderall XR à cette condition et des bienfaits qui en résultent pour le patient et pour la société en général. L’administration du médicament en une seule dose par jour réserve aux patients des avantages non thérapeutiques réels qui, au-delà de la facilité d’administration, améliorent leur vie. En raison des symptômes de l’hyperactivité avec déficit de l’attention et des circonstances dans lesquelles évoluent les personnes qui en sont atteintes et leurs soignants, ces bienfaits peuvent aussi améliorer d’une façon appréciable le quotidien des parents et des enseignants des personnes atteintes de ce syndrome. Enfin, dans sa conclusion, le Panel a pris en compte la diminution considérable des risques de consommation illicite des amphétamines que contiennent les médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention.

38. Le Panel estime que ni la catégorie 2, ni la catégorie 3, selon les descriptions données dans les Lignes directrices, ne saisit adéquatement la relation qui existe entre le médicament Adderall XR et les autres médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention devant être administrés plusieurs fois par jour. Pour les motifs invoqués par Shire et résumés précédemment, le Panel considère que le médicament Adderall XR constitue une amélioration plus que modeste par rapport aux autres médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention qui doivent être administrés plusieurs fois par jour. Toutefois, le Panel est d’avis qu’aucun élément fiable n’a prouvé l’existence d’un avantage thérapeutique appréciable du médicament sous examen par rapport aux médicaments qui doivent être administrés plusieurs fois par jour et que, non plus, aucune économie importante pour le régime de soins de santé n’a été démontrée. Ainsi donc, le Panel estime qu’on ne peut raisonnablement affirmer que le médicament Adderall XR constitue une découverte ou une amélioration importante par rapport aux médicaments existants.

39.Après avoir évalué tous les éléments de preuve et être arrivé à la conclusion que la question requiert expertise, jugement et une certaine marge d’appréciation, le Panel a déterminé que sur une échelle allant de « aucune amélioration » à « amélioration importante », le Adderall XR pourrait raisonnablement s’inscrire à mi-chemin entre une amélioration modeste et une amélioration importante. De fait, le Panel est d’avis que le Adderall XR devrait être classé dans une quatrième catégorie qui serait réservée aux médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention et administrés au moyen d’une dose quotidienne unique.

40. En conséquence, le prix MNE du médicament Adderall XR devrait être plus élevé que le prix obtenu au moyen de la Comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada (qui est appliquée aux médicaments représentant une amélioration modeste par rapport aux médicaments existants), mais moins élevé que le prix obtenu avec la médiane des prix du médicaments dans les pays de comparaison (appliquée aux médicaments constituant une découverte ou une amélioration importante). Dans les circonstances, le Conseil considère raisonnable que le prix MNE du médicament Adderall XR corresponde à la moyenne des prix MNE obtenus à l’aide de ces deux tests.

41. En vertu de l’article 85 de la Loi, le Conseil doit tenir compte des prix auxquels les médicaments de la même catégorie thérapeutique que le médicament sous examen sont vendus dans les différents pays de comparaison. Le Panel a analysé attentivement les éléments de preuve et les arguments que lui a présentés Shire en ce qui concerne les prix auxquels les autres médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention sont vendus dans les pays de comparaison. Le Panel abonde dans le même sens que le Conseil en ce qui concerne la décision rendue dans l’affaire de LEO Pharma portant sur la même question.

42. Les comparaisons du prix du médicament sous examen avec (1) les prix de ses médicaments de comparaison au Canada et (2) les prix auxquels il est vendu dans les pays de comparaison fournissent des résultats probants aux fins de déterminer si le prix de vente au Canada d’un médicament est ou non excessif. Si l’on compare le prix du médicament sous examen avec les prix auxquels les médicaments de comparaison sont vendus dans d’autres pays, la comparaison quoique nécessaire et pertinente risque d’être moins probante. Après analyse de la preuve qui lui a été soumise en ce qui concerne les prix de vente des médicaments de comparaison dans d’autres pays et en avoir tenu compte tel que prévu à l’alinéa 85(1)(c) de la Loi, le Panel n’a pas acquis la conviction que ce facteur exerce une influence sur la conclusion à laquelle peuvent mener des comparaisons plus fiables avec les prix auxquels le médicament Adderall XR est vendu dans les pays de comparaison et avec les prix au Canada des médicaments de comparaison qui appartiennent à la même catégorie thérapeutique que le médicament sous examen. Si le Panel avait estimé que les éléments de preuve concernant les prix dans d’autres pays des médicaments de comparaison avaient une influence sur le reste de la preuve dans la présente affaire, cette influence aurait favorisé la même conclusion que celle de la présente décision.

43.Le Panel a également analysé les arguments de Janssen-Ortho selon lesquels le Conseil devrait créer une nouvelle catégorie thérapeutique pour les médicaments Adderall XR, Concerta et Strattera. Les prix MNE de ces médicaments seraient alors calculés spécifiquement pour cette nouvelle catégorie. Toutefois, le Panel admet qu’il est raisonnable que les Lignes directrices exigent des données de départ pour le processus d’établissement d’une catégorie thérapeutique et pour le calcul des prix MNE des médicaments dans cette catégorie thérapeutique. Même si le résultat pourrait se rapprocher sensiblement de celui prôné par Janssen-Ortho, le Panel estime que l’approche la plus appropriée est de considérer le Adderall XR comme le premier médicament de son type à être offert sur le marché canadien, de créer une nouvelle catégorie thérapeutique et de calculer le prix MNE du médicament Adderall XR en date de sa première vente au Canada pour, ensuite, ajouter dans cette nouvelle catégorie thérapeutique d’autres médicaments, dont le Concerta, et ce, rétroactivement à la date de leur première vente au Canada.

44. En conséquence, aux fins du calcul du prix MNE du médicament Adderall XR en date de sa première vente au Canada et suivantes (pour les ventes du médicament en concentrations de 10, 20 et 30 mg), le prix MNE du médicament Adderall XR, sera le plus élevé des montants suivants :

  1. le prix MNE obtenu au moyen d’une Comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada, et
  2. la moyenne du prix MNE obtenu avec la Comparaison selon la catégorie thérapeutique du médicament au Canada et du prix obtenu avec la Comparaison du prix médian du médicament dans d’autres pays.

45. Le Panel considère que les concentrations de 5, 15 et 25 mg du médicament Adderall XR lancées sur le marché le 13 avril 2004 constituaient des médicaments distincts possédant des nouveaux DIN pour des formes posologiques existantes ou comparables et elles sont classées avec justesse dans la catégorie 1 conformément aux Lignes directrices. Tel que mentionné précédemment, le Panel considère que le classement de produits médicamenteux dans la catégorie 1 conformément aux Lignes directrices constitue une application raisonnable de l’article 85 de la Loi. Le test de la relation raisonnable, décrit dans les Lignes directrices, permet de déterminer le prix MNE des nouvelles concentrations d’un médicament existant au moyen d’une relation linéaire entre les prix unitaires et les concentrations. Le Panel considère que ce calcul du prix MNE constitue aussi une application raisonnable de l’article 85 de la Loi. Une fois les prix MNE des concentrations de 10, 20 et 30 mg du médicament établis conformément à la présente décision, les prix MNE des concentrations de 5, 15 and 25 mg peuvent être établis à l’aide du test de la relation raisonnable.

46. Si le prix MNE du médicament Adderall XR avait été calculé suivant les principes énoncés dans la présente décision à compter de la date de sa première vente au Canada, Shire aurait pu majorer le prix de son médicament et, par ricochet, le prix MNE aurait été majoré comme le prévoit la méthodologie du prix rajusté pour tenir compte des variations de l’IPC. On ne peut dire si Shire aurait majoré le prix de son médicament, mais le Panel considère qu’il faut lui donner le bénéfice du doute. Ainsi, le prix MNE du médicament Adderall XR sera réputé avoir augmenté chaque année proportionnellement aux augmentations de l’Indice des prix à la consommation (IPC) et ce, pour les années 2003 à 2008 inclusivement après quoi seront appliquées les dispositions des Lignes directrices relatives à l’IPC. Cette dérogation des dispositions des Lignes directrices en ce qui concerne l’indice des prix à la consommation est propre au médicament Adderall XR4 pour la période mentionnée.

Incidence de la présente décision sur les Lignes directrices et sur les autres médicaments

47. Le Panel a fait observer que la présente conclusion vise spécifiquement les médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention administrés au moyen d’une dose quotidienne unique et qu’elle est applicable en raison de la relation entre les symptômes de la condition et les avantages que procure l’administration d’une dose quotidienne unique du médicament et, également, en raison des avantages indirects qui s’ensuivent dont la prévention de l’utilisation du médicament à des fins non autorisées.

48. D’autres médicaments peuvent représenter plus qu’une amélioration modeste par rapport aux médicaments existants, mais moins qu’une amélioration importante. À la rigueur, ces médicaments pourraient justifier des tests de prix plus libéraux que ceux actuellement appliqués aux médicaments de la catégorie 3. Il importe toutefois de préciser que la présente conclusion du Panel vise exclusivement le médicament Adderall XR.

49. Le Panel est conscient que beaucoup d’efforts ont dû être investis dans la préparation des Lignes directrices et dans leur révision subséquente pour tenir compte des nouvelles particularités, pour atténuer les conflits et minimiser les ambiguïtés au niveau des résultats obtenus. Les dispositions des Lignes directrices font l’objet d’interactions complexes avant même que les panels du Conseil y apportent unilatéralement des ajustements pour des médicaments en particulier. Il pourrait exister une méthodologie supérieure qui permettrait d’apporter les modifications comme celles que le Panel a jugé pertinentes dans le cas du médicament Adderall XR et cette méthodologie pourrait être intégrée dans le cadre du processus actuel de révision des Lignes directrices.

50.Le présent Panel n’est pas habilité à modifier les Lignes directrices étant donné qu’elles ne s’appliquent pas exclusivement au médicament sous examen et que le Conseil n’est pas assujetti à ses décisions ni à celles d’autres panels du Conseil. Toutefois, le Conseil est actuellement en processus de révision de ses Lignes directrices et il lui appartiendra de généraliser ou de rejeter dans la version révisée de ses Lignes directrices la quatrième catégorie de médicaments décrite dans la présente décision ou, encore, d’adopter une approche supérieure pour la situation particulière identifiée dans la présente affaire. Dans l’intervalle, les brevetés et le personnel du Conseil peuvent recourir aux Engagements de conformité volontaire dans les cas d’autres médicaments qui, comme le médicament sous examen, devraient idéalement appartenir à une quatrième catégorie de médicaments, telle que décrite précédemment.

Moment à partir duquel le médicament devient assujetti à la compétence du Conseil

a. La question du brevet en instance

51. Au cours de l’audience, Shire a déposé une requête pour qu’il soit établi que le Conseil n’est pas habilité à rendre une ordonnance corrective concernant le prix du médicament Adderall XR qui viserait la période ayant précédé l’attribution du brevet canadien lié au médicament Adderall XR. Shire a obtenu ce brevet le 13 avril 2004. Concernant cette requête, le personnel du Conseil a fait valoir que le Conseil est habilité à rendre une ordonnance corrective concernant le prix du médicament Adderall XR et ce, à partir du 27 avril 2000, soit la date à laquelle la demande de brevet canadien soumise par Shire pour son médicament Adderall XR a été portée à la consultation du public.

52. Le 18 décembre 2006, le Panel a rejeté la requête de Shire et jugé que le Conseil était habilité à rendre une ordonnance corrective en ce qui concerne les ventes du médicament Adderall XR effectuées après le 27 avril 2000. Shire a soumis à la Cour fédérale une requête en révision judiciaire de cette décision. Le 13 décembre 2007, la Cour fédérale a rejeté cette demande et ainsi confirmé que le Conseil est habilité à rendre des ordonnances visant la période où la demande de brevet est portée à la consultation du public, dans la mesure où le brevet est subséquemment attribué. La décision de la Cour fédéral a été portée en appel.

53. En conséquence, la présente décision concernant le prix MNE du médicament Adderall XR visera le prix du médicament Adderall XR à compter du 27 avril 2000.

b. Ventes effectuées en vertu du Programme d’accès spécial

54. Le médicament Adderall XR a été vendu pour la première fois au Canada en septembre 2002 en vertu du Programme d’accès spécial de Santé Canada. N’ayant pas obtenu l’Avis de conformité pour son médicament avant janvier 2004, Shire soutient que le Conseil n’est pas habilité à rendre une ordonnance corrective concernant le prix de son médicament pour toute période antérieure à l’obtention de l’Avis de conformité. Le personnel du Conseil allègue pour sa part que le Conseil est habilité à rendre une ordonnance corrective concernant le prix du médicament Adderall XR à compter de la date de la première vente du médicament au Canada en vertu du Programme d’accès spécial.

55. Après avoir entendu les arguments des parties dans la présente affaire, un autre panel du Conseil a analysé la question en profondeur en réponse à une demande du personnel du Conseil concernant le médicament Thalomid. Dans cette affaire, le Panel est arrivé à la conclusion que le Conseil est habilité à rendre une ordonnance corrective concernant le prix d’un médicament et ce, à compter de la date de sa première vente au Canada, sans égard au fait que cette vente a été faite en vertu du Programme d’accès spécial de Santé Canada ou après l’obtention de l’Avis de conformité.

56. Le présent Panel n’est pas lié par la décision rendue dans l’affaire du médicament Thalomid, mais il apparaît à la lecture des motifs de la décision que les arguments formulés par le personnel du Conseil et par le breveté ressemblent beaucoup à ceux formulés par les deux parties dans la présente affaire. Après avoir analysé les arguments des deux parties dans la présente affaire ainsi que la décision rendue dans l’affaire Thalomid, le présent Panel arrive à la conclusion que le Conseil peut rendre une ordonnance corrective concernant le prix du médicament Adderall XR et ce, rétroactivement au 12 septembre 2002, date de la première vente du médicament au Canada. Le présent Panel fonde sa décision sur le même raisonnement que celui du panel qui a rendu la décision dans l’affaire du médicament Thalomid.

Concerta

57. Le présent Panel est le même que celui qui a été appelé à faire l’examen du prix du médicament Concerta. Dans cette dernière affaire, le panel a rendu une décision similaire à la lumière de la preuve présentée à l’instance (dont une partie consistait en des éléments de preuve dans la présente instance incorporées par référence dans l’instance dans l’affaire Concerta). Pour les motifs discutés précédemment concernant la première vente du médicament Adderall XR au Canada, le Panel est arrivé à la conclusion que la première vente au Canada du médicament Concerta a été faite après celle du médicament Adderall XR et que le médicament a été classé dans la catégorie 3 du fait que, au moment de son lancement sur le marché canadien, le médicament Concerta n’était pas considéré comme une amélioration appréciable par rapport au médicament Adderall XR. Le médicament Concerta appartient à la même catégorie thérapeutique que le médicament Adderall XR.

58. Au moment de son lancement sur le marché canadien, le médicament Concerta appartenait à la même catégorie thérapeutique que le Adderall XR, le Dexedrine, le Ritalin SR et le Dexedrine en gélule et en spansule. Avec l’ajout dans cette catégorie du Adderall XR dont le prix MNE peut être majoré jusqu’à concurrence du prix international médian et qui, dans la présente décision, est réputé avoir été majoré tous les ans entre 2004 et 2008, le prix MNE du Concerta (au moyen de la Comparaison selon la catégorie thérapeutique au Canada) devrait avoir augmenté (sous réserve des comparaisons de posologie suivant les mêmes principes que ceux appliqués au médicament Adderall XR dans le présent cas.

59. Si le Panel est arrivé à la conclusion que la première vente du médicament breveté Adderall XR a été faite sur « un marché canadien » en janvier 2004 au moment de l’attribution de l’Avis de conformité, la même analyse devrait avoir été appliquée au médicament Concerta alors que le Adderall XR a été inscrit dans le même groupe thérapeutique que le Concerta, le Ritalin, le Ritalin SR et le Dexedrine (gélule et spansule).

Strattera

60. Le Conseil a émis un Avis d’audience concernant le prix du médicament Strattera, le troisième médicament du même groupe thérapeutique que le médicament Adderall XR indiqué pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention qui est administré au patient au moyen d’une seule dose quotidienne. Le présent Panel est saisi de cette affaire. Le médicament Strattera est différent du Adderall XR et du Concerta du fait que son ingrédient actif n’est pas un stimulant. Le Panel invite le personnel du Conseil et le titulaire du brevet lié au médicament Strattera à vérifier s’il existe des raisons impérieuses pour que le médicament Strattera ne soit pas classé dans la même catégorie thérapeutique que le Adderall XR et le Concerta et, le cas échéant, de négocier un Engagement de conformité volontaire qui tiendrait compte des conclusions rendues dans la présente affaire.

Ordonnance du Conseil

61. Le Panel enjoint les parties de s’entendre sur les modalités d’une ordonnance qui appliquerait les conclusions formulées dans le présent énoncé des motifs. Le Panel demeure totalement saisi de l’affaire et pourra, dans l’éventualité où les deux parties n’arriveront à s’entendre quant à la manière qu’il y a lieu d’appliquer la décision en vertu d’une ordonnance du Conseil, entendre d’autres éléments de preuve ou arguments sur ces questions.

62. Enfin, pour aider les parties à rédiger l’ordonnance demandée, le Panel tient à préciser qu’il approuve la structure et les modalités de l’ordonnance que le personnel du Conseil a proposées dans son mémoire final, évidemment sous réserve des modifications des prix MNE des différentes concentrations du médicament Adderall XR qui doivent être calculés de la façon expliquée dans la présente décision. Ces modifications peuvent être apportées dans les meilleurs délais si l’on retient le libellé de l’ordonnance proposée par le personnel du Conseil en révisant toutefois l’appendice pour refléter les prix MNE calculés conformément à la présente décision. Le Conseil accorde aux parties jusqu’au 10 mai 2008 pour soumettre un projet d’ordonnance.

Addenda

Après la fin des plaidoyers, le Panel a reçu les observations de Shire et la réponse du personnel du Conseil concernant les incidences que pourrait avoir sur la présente affaire la décision récemment rendue par un panel du Conseil dans l’affaire de Celgene Corporation et de son médicament Thalomid (l’affaire de Celgene).5 Pour être plus précis, Shire a fait valoir que la décision du Conseil dans l’affaire de Celgene soutient la position que le médicament Adderall XR a été vendu sur un marché « discret » alors qu’il était disponible au titre du Programme d’accès spécial de Santé Canada.

Le présent panel n’est pas lié par la décision rendue dans l’affaire de Celgene, quoiqu’il souscrit à l’opinion exprimée sur ce point par le personnel du Conseil et selon laquelle l’affaire de Celgene n’étaye pas la position avancée par Shire. Dans l’affaire de Celgene, le panel s’est prononcé sur une question bien précise quant au sens de l’expression « sur un marché » utilisée dans la Loi sur les brevets, et a noté que les ventes effectuées au titre du Programme d’accès spécial pourraient en théorie être réputées avoir été faites sur un marché particulier ou sur le marché général des médicaments. Exerçant son jugement, son expertise et son pouvoir discrétionnaire, le Conseil a toujours considéré que les ventes des médicaments faites au titre du Programme d’accès spécial sont faites sur le marché général des médicaments. Le Panel est d’accord avec cette approche en ce qui concerne le médicament Adderall XR. En conséquence, il n’y a pas lieu que le Conseil considère les arguments de Shire concernant les implications sur les prix si le Panel devait rendre une décision contraire.

Membres du Conseil :
Dr Brien G. Benoit
Thomas (Tim) Armstrong

Avocat du Conseil :
Gordon Cameron

Comparutions

Pour le personnel du Conseil :
Barbara MacIsaac, avocate
Benjamin Mills, avocate

Pour l’intimé :
Malcolm Ruby, avocate
Allan West, avocate

Pour les intervenants :
Martin Mason, avocate
Graham Ragan, avocate

Sylvie Dupont
Secrétaire du Conseil

1 Aux fins de la présente décision, il n’est pas nécessaire de décrire les médicaments de la catégorie 1, quoique les dosages du médicament Adderall XR introduites après la première vente du médicament au Canada ont été adéquatement classés dans la catégorie 1.

2 Selon les Lignes directrices, la catégorie thérapeutique des médicaments de la catégorie 2 doit être déterminée [Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures, chapitre 1 – Lignes directrices sur les prix excessifs] :

8.4 Le prix de lancement d’un nouveau produit médicamenteux de la catégorie 2 sera considéré excessif s’il est supérieur aux prix de tous les produits médicamenteux comparés selon la catégorie thérapeutique et à la médiane des prix internationaux obtenue à la suite d’une comparaison selon la catégorie thérapeutique.

Le Panel doute que cette formulation sera souvent considérée raisonnable. Une comparaison selon le groupe thérapeutique est effectuée en référence à l’équivalence. Par définition, si un médicament est considéré comme une découverte ou s’il représente une amélioration importante par rapport aux médicaments existants, il peut ne pas convenir de tenter de le classer dans une catégorie thérapeutique à partir de son équivalence thérapeutique. Cet article des Lignes directrices pourrait se révéler plus valable s’il était libellé selon les lignes suivantes qui, d’après le Conseil, traduisent bien l’intention des Lignes directrices.

8.4 Le prix de lancement d’un nouveau produit médicamenteux de la catégorie 2 sera considéré excessif s’il est plus élevé que (1) les prix de tous les produits médicamenteux qui pourraient appartenir à la même catégorie thérapeutique sans présenter les caractéristiques des médicaments classés dans cette catégorie et (2) à la médiane des prix internationaux obtenue à la suite d’une Comparaison des prix internationaux.

Ceci dit, le Panel estime, pour les raisons mentionnées dans le présent document, que le médicament Adderall XR (et le médicament Concerta) serait après une comparaison selon la catégorie thérapeutique classé dans le même groupe thérapeutique que les autres médicaments indiqués pour traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention existants étant donné qu’il n’a pas été prouvé qu’il existe une différence importante de l’équivalence thérapeutique entre les médicaments existants et les nouveaux médicaments.

3 Voir note en bas de page no 2.

4 Et, s’il y a lieu, aux médicaments Concerta et Strattera – voir ci-après.

5 PMPRB-07-D1-Thalomid, 21 janvier 2008.

Date de modification :